DRUGS AREN'T BAD. DRUGS ARE DELIVERY - J & E

Cinq heures du matin. Eurydice cligna une nouvelle fois des yeux, allongées dans un des nombreux lits du douzième dortoir du Centre Isolation. C’était la deuxième nuit qu’elle passait dans sa nouvelle « demeure » et depuis son arrivée, elle n’avait pas fermé l’œil. Des cernes commençaient à apparaître sous ses yeux bleus. Eurydice n’arrivait pas à trouver le sommeil. Le climat de tension, l’insécurité, l’enfer du Centre ne lui permettait pas d’atteindre le calme nécessaire pour s’endormir. Lassée par l’attente du sommeil qui ne venait pas, la blonde se leva rapidement avec agilité et se dirigea vers son casier. Elle en sortit quelques vêtements, un sac ainsi qu’une trousse de toilette et se dirigea vers les salles de bains mixtes. Elle posa ses affaires assez près d’elle pour les avoir en vues, et assez éloignées pour ne pas être trempées et prit ensuite une douche rapide car glaciale. La jeune fille n’avait toujours pas compris comment régler l’eau, comme elle n’avait pas compris une très majoritaire partie des règles de vie –et de survie- du Centre. Elle se sécha et tentant tant bien que mal de se réchauffer. Elle enfila ensuite les vêtements préalablement choisis. Le sens de la mode d’Eurydice ne l’avait pas quitté et son style vestimentaire était très important à ses yeux, c’est pourquoi elle était à la pointe de la mode comme à son habitude. Elle avait choisi un chemisier crème aux bordures bohèmes, surplombé d’un bombardier de peau retournée et d’un pantalon slim noir et à ses pieds, des escarpins à talons camel. Elle se maquilla légèrement en mettant un peu de mascara et un trait d’eyeliner, comme à son habitude et sortit de la salle de bain. A cette heure-là, les couloirs étaient quasiment déserts. Cependant, lorsqu’elle croisait quelqu’un, Eurydice prenait garde de baisser les yeux : la prudence devait rester de mise. Elle divagua longuement sans but précis, puis fini par aller prendre un petit-déjeuner frugal. Eurydice jouait distraitement avec une des ses longues mèches blondes tout en buvant un thé. Elle rêvait d’extérieur, de liberté, de sa vie d’avant. Cela ne faisait que deux jours que la jeune fille était arrivée au Centre, mais elle ne le supportait déjà plus. Elle était sans-cesse effrayée par les personnes qu’elle croisait. Elle avait conscience de n’être entourée que par une grande majorité de criminel. Cela la rendait malade car elle n’était pas d’un naturel méfiant, bien au contraire, elle avait tendance à faire confiance aux gens. Cependant, elle devait se faire violence pour la bonne et simple raison que la prudence était sa seule défense contre des êtres aussi violents et dangereux. Eurydice fut sortie de ses songes par une subite envie de fumer. Elle sortit donc du Centre pour se retrouver sur le perron, face au jardin. Elle fouilla dans son sac pour trouver son paquet de Malboro. Elle vit dans son sac une boîte orange transparente remplie cachet blanc. Elle sourit et se dit en elle-même « A toute à l’heure ». Elle finit par sortir une cigarette, elle chercha son petit briquet couleur saumon. C’était le seul feu qu’elle arrivait à tolérer sans être terrifiée. Elle alluma donc sa cigarette rapidement en prenant soin de ne pas fixer la flamme. Elle fuma ensuite sa cigarette en se baladant dans le jardin, et en se rendant compte que les escarpins à talons n’étaient peut-être pas les chaussures les plus adaptées pour cet endroit. Elle finit par apercevoir une bâtisse qui ressortait du chaos du parc du Centre. Elle semblait être en plutôt bon état. De loin, elle crut apercevoir un clochet. Elle décida de s’approcher de ce bâtiment, bravant la nature envahissante qui tenait à l’en tenir écartée. Elle finit par accéder à ce qui était en fait une chapelle. Elle semblait avoir été protégée des malades mentaux qui déambulaient par ici. Elle semblait ne pas avoir été témoin de meurtres et de torture. Elle semblait clame et sereine, comme protégée par les Dieux. Elle poussa la lourde porte en bois de l’église et pénétra dans la nef. L’endroit était très sobre : des bancs, un autel, un crucifix, quelques icones et sur le côté, des cierges. Aucun d’entre eux ne brillait. Eurydice se dirigea donc vers la droite pour prendre une bougie et l’allumer à l’aide de son briquet, avec la même prudence qu’auparavant. Elle la posa sur un socle, se signa et murmura pour elle-même.

« Tu me manques, Maman. »

Elle alla rapidement s’asseoir sur un banc de bois. Eurydice n’était plus croyante depuis le déces tragique de sa mère. A la réflexion, elle ne l’avait jamais vraiment été. Sa mère, si. Elle était allée durant toute son enfance à la messe tous les dimanches accompagnée de sa mère. Eurydice trouvait particulièrement injuste que Dieu –si toutes fois, il existait- ait rappelé à ses côtés un être qui avait été si pieuse toute sa vie. Eurydice n’avait jamais remit les pieds dans une église depuis l’accident de voiture qui avait emportée sa mère. Mais, aujourd’hui, elle se sentait réconfortée d’être là. Dans l’enfer, il est toujours bon de trouver un repère, un peu de sérénité et de calme : et c’est ce que cette chapelle lui offrait, du calme. Cependant, en parallèle, cet endroit faisait remonter en elle une vague de souvenir : son enfance, les moments passés avec sa mère, les moments d’insouciance heureuse … En se rememorant tout ce qu’elle avait perdue, Eurydice sentit une larme couler sur sa joue. Elle sentait sa poitrine se serrer : elle était à deux doigts de fondre en larmes. Avec espérance, elle s’écria :

« Mon Dieu, venez-moi en aide »

Elle se mit a pleurer, longuement. Elle se le permettait car elle était certaine d’être seule dans un endroit aussi reculé à une heure aussi avancée. Elle voulait sortir de cet endroit horrible, ne le supportait déjà plus après deux jours. Elle voulait retrouver sa vie d’avant, sa mère. Eurydice ne savait pas ce qu’elle attendait d’une quelconque force supérieur, mais elle attendait quelque chose, la mort peut-être. A cette pensée, Eurydice se rendit compte de sa faiblesse. Elle se redressa et respira longuement. Elle prit son sac et chercha quelque chose tout en s’adressant de nouveau au « Dieu » à qui elle s’était adréssée quelques minutes plus tôt.

« Après tout, de la ou tu es, tu ne peux pas grand-chose pour moi. Et si mon cas t’importait, je ne serais pas là. Je vais me débrouiller toute seule. »

Elle finit par attraper la boite orange qu’elle cherchait. Elle l’ouvrit la porta à ses lèvres et fit tomber un cachet sur sa langue. Elle ferma et reposa la boite à côté d’elle. Elle bascula la tête en arrière. Après tout, un « break » ne pourrait pas lui faire de mal, surtout que par ici, il n’y avait personne. Elle se tassa sur le banc alors que ses yeux commençaient à être trompées par la substance qu’elle venait d’ingurgiter. Des taches de lumières colorées apparaissaient. Eurydice sourit et s’abandonna au rève dans lequel elle se plongeait : maigre trêve au milieu du cauchemar des Enfers.