« - Je ne pourrais jamais élever un enfant seule. Tu le sais. Qu'est ce que je vais devenir sans toi ? - Tu t'en sortiras très bien, j'en suis convaincu. » Mais Skylar se trompait lourdement. Ma mère dépendait totalement de lui, et encore plus depuis qu'elle avait appris sa grossesse. Elle n'avait jamais songé un seul instant à passer sa vie sans lui mais quand le médecin leur avait annoncé que Sky avait un cancer, le petit monde d'Anna s'effondra. Elle n'avait jamais su faire face aux intempéries de la vie et celle-ci était de taille. Cependant, la mort se montra clémente et retarda le départ de mon père de quelques années. Ma mère était enceinte jusqu'aux yeux et je ne lui faisais pas de cadeau. Douze heures de travail et de douleur, autant dire que son accouchement l'avait marquée ! Sky et Anna se disputèrent longuement sur le choix de mes prénoms, si bien que je fus surnommé « le bébé » pendant près de cinq jours. Finalement, ils tombèrent d'accord pour Jake - un prénom simple et courant - et Abaddon, qui signifie destruction en hébreux. Je ne sais pas si mes parents avaient été pris d'une folie ténébreuse pour me coller « Abaddon » en guise de deuxième prénom ou s'ils avaient simplement des dons prémonitoires. En tout cas, ça ne m'a pas porté chance. Quatre ans après ma naissance, mon père décédait. Le cancer s'était généralisé et après deux mois d'agonie, c'était une libération attendue. Je me souviens juste de l'image d'Anna, penchée sur lui pour lui sourire jusqu'à son dernier souffle, tandis qu'elle me serrait la main jusqu'à m'en briser les os. Je n'étais pas en âge de comprendre ce qu'était la mort mais je savais que je ne reverrais jamais plus mon père. C'était tout ce dont j'avais eu besoin de savoir pour être brisé.

« - Ne pleure pas, mon amour. Je reviendrais bientôt. Maman a juste besoin de gagner plus d'argent. - C'est promis que tu reviendras ? - Je te le jure. » Anna était dévastée par la mort de l'homme qu'elle aimait plus que tout. Elle avait atrocement maigri et s'occupait de moins en moins de moi. Son boulot de serveuse ne la comblait pas : elle devait travailler tard et ses revenus étaient largement insuffisant. Elle s'était rendue compte qu'elle était à cran lorsqu'elle me gifla violemment, juste parce que j'avais fait tomber une cuillère par terre. « - Je te déteste ! », c'est tout ce qui était sorti de ma bouche. Elle présenta ses excuses, pleura, gémit et se rongea les ongles à sang, comme elle le faisait à chaque fois qu'elle était surmenée. Ce soir-là, elle téléphona à ma grand-mère paternelle pour qu'elle veille sur moi. Le lendemain, elle voulut discuter « d'histoire de grands » avec moi. J'avais à peine six ans, autant dire que tout n'était pas très clair dans ma tête. Mais en bref, les parents d'Anna étaient à la tête d'une société de cosmétiques à New York. Ils étaient riches mais n'avaient jamais voulu lui donner un rond. Cependant, pour ne pas passer pour des êtres sans coeur, ils avaient accepter d'engager Anna comme secrétaire dans leurs bureaux. C'était humiliant, mais c'était mieux que son ancien boulot de serveuse. Lorsqu'elle embrassa mon front ce matin-là, je ne me doutais pas que ce serait la dernière fois que je la verrais.

« - Jake, je ne sais pas ce que tu fais en cours mais au lieu de rouler des patins à ta copine, tu ferais mieux de retrouver le droit chemin et ce, au plus vite ! » Ma grand-mère hurlait. Du moins, c'est ce que j'avais cru comprendre en voyant ses lèvres bouger sans qu'elle articule vraiment ses mots, et son visage rougir. Mes écouteurs enfoncés dans les oreilles, je hochais la tête en prenant un air désolé sans savoir de quoi elle parlait. Elle devait sans doute s'énerver au sujet de mes résultats, en cours. J'avais été un élève brillant jusqu'ici, bien que l'absence de ma mère m'ait fait passé de mauvais moments. Mais là, j'étais dans ma période de rébellion intensive. J'étudiais un peu, mais pas trop et je consacrais tout mon temps à Calleigh, une jolie brune avec qui je sortais depuis un an. Je l'ai rencontrée dans un bar quand j'avais quinze ans et sur le moment, je n'avais jamais envisagé de tomber amoureux. Vous savez, je voulais faire ce que font tous les mecs à cet âge : perdre mon pucelage et ne plus jamais la revoir. Mais elle m'avait fait attendre et j'étais devenu dingue. Complètement dingue d'elle. Nous filions le parfait bonheur, bien que notre relation fut constamment entrecoupées de ruptures. Elle s'en allait le mardi et revenait le dimanche. Ma grand-mère la détestait. Elle répétait souvent: « - Une fille amoureuse ne quitte pas son homme pour un oui ou un non. Elle serait prête à tout subir pour lui, ce qui n'est pas le cas de Calleigh. » Mais sincèrement, qui écoute sa grand-mère à dix-sept ans ?

« - Calleigh, je suis tellement heureux d'être avec toi. Je ne pensais pas que le bonheur puisse exister mais si, il existe et il est juste assis devant moi. » Je préparais mon discours depuis des jours, je le connaissais par coeur. Cependant, j'avais le trac, comme.. si j'allais me préparer à monter sur scène. Un peu comme dans une pièce de théâtre romantique de mauvais goût, le décor improvisé était installé : bougies, pétales, repas surgelé, costume bon marché,... J'avais invité Calleigh à dîner chez ma grand-mère, pendant son absence, et je me préparais à faire le grand saut. Les larmes aux yeux, je sortis une petite boîte en velours bordeaux de la poche de mon pantalon. Je souris, niaisement, et la présentait à Calleigh avant de l'ouvrir. J'étais fier ! J'avais dû économiser pendant des mois pour acheter ce putain d'anneau en argent avec cet énorme caillou éclatant. J'enchaînais avec la phrase qui allait avec ce cadeau si spécial: « - Veux-tu m'épouser ? » Calleigh me dévisagea pendant plusieurs minutes, la bouche ouverte, avant de réussir à articuler quelque chose. « - C'est une blague, Jake ? - Non, je suis très sérieux. - Mais on a que 17 ans ! - Et alors ? Je t'aime, tu m'aimes, où est le problème ? - Le problème c'est que non, je ne t'aime pas et non, tu n'es pas le seul homme dans ma vie. Désolée.. » Elle semblait confuse mais pas triste. Ou du moins, j'étais tellement dévasté que je n'ai rien remarqué. Calleigh s'est levée, a ramassé son manteau et a quitté les planches de la tragédie qu'était ma vie.

« - Hey, mec, tu tires une de ces tronches. Un camion est passé sur ton chien ou quoi ? - J'ai le coeur en morceaux, laisse-moi en finir. - Avec un verre de whisky..? - J'ai toujours rêvé d'une mort lente et douloureuse. - Pour le coup, tu vas juste te taper une crise de foie. » Et le barman se mit à rire. Comme si j'avais besoin de ça à présent. J'étais démoli, j'avais touché le fond et en plus, j'étais saoul. Je séchais la plupart de mes cours depuis la remarque de ma prof de math: « - Si vous venez ici pour dormir, Stevenson, ne venez plus ! - Dieu merci ! Je peux enfin me casser. » De toute façon, même en cherchant bien, je ne voyais pas quelle était l'utilité des logarithmes. Je me faisais engueulé toutes les semaines par ma grand-mère et pour oublier tout ce beau bordel, je m'étais mis à boire, plus que de raison. Avec ma gueule de pré-pubère dont la barbe ressemblait plus à un duvet qu'à une vraie barbe, je faisais bien rire tous les alcooliques habitués du comptoir. Mais je m'en fichais. Je tenais bien mieux l'alcool que la plupart d'entre eux. « - Tu tiens bien l'alcool, petit. » Un vieux à la tête défaite s'adressait à moi. Il me sourit et en voyant l'état de ses dents, je ne savais pas si je devais encore considéré ses paroles comme une marque de sympathie. « - Si vous refermez la bouche et que vous évitez de m'appeler "petit", on pourra peut être s'entendre. » Et il a ri. Il était sans doute dur de la feuille mais quoi qu'il en soit, il enchaîna: « - J'aime bien le sarcasme, moi aussi. Mais tu sais, tu ne devrais pas te braquer, je peux peut être trouver un remède.. pour ton coeur brisé. - Ah bon ? Vous m'intéressez là. - Viens avec moi dehors, c'est pas très légal ce que je vais te montrer. » Intrigué, je le suivais, sans me méfier. Une fois sorti du bar, il me montra un petit sachet rempli de poudre blanche. Bien sûr, j'étais naïf. « - Du.. sucre ? - Mais non, idiot ! De la cocaïne. - De la drogue ?! - Mais c'est dangereux ! - Pas si tu en prends par petite dose. - Je peux..? - Tout a un prix, mon petit. Reviens demain ici, à la même heure, avec quelques billets et je te permettrais d'accéder au Nirvana. » Une nouvelle remarque sur le fait qu'il m'ait appelé « mon petit » me parut tout à fait futile.

« - Jake ? Qu'est ce que tu fais là ? » C'est ce qui s'appelle se faire prendre la main dans le sac, et au sens propre. Henry, l'alcoolique édenté, était devenu mon fournisseur officiel depuis deux mois. Dès la première prise de coke, j'étais devenu accroc et très vite, tout s'enchaîna. Au début, je m'étais mis à faire des petits boulots pour payer mes doses - ma grand-mère n'ayant pas conscience du stratagème pensa que j'avais fait des progrès - mais bientôt, ça n'a plus suffit. Perdu, et complètement soumis à cet état de manque, je me mis à voler de l'argent dans le sac de ma grand-mère. Je ne m'étais jamais fait prendre, jusqu'à cette nuit. Étonnant qu'elle n'ait rien remarqué plus tôt vu les sommes que je volais et la maigreur qui transperçait mon visage. Les doses coûtaient si chers que j'en étais arrivé à faire restriction sur tout, y compris la nourriture, pour pouvoir économiser. « - Tu me voles de l'argent..? » Sa voix semblait suppliante et ses traits trahissaient son impuissance. Sans répondre, j'enfonçais quelques billets dans ma poche et je me précipitais hors de la maison. Machinalement, je me rendis devant le bar habituel, attendant Henry, qui ne vint jamais. « - Hey, salut Jake ! Pourquoi tu n'entres pas ? » L'épaisse main du barman s'était posée sur mon épaule. Je sursautais. « - Ah euh.. J'attends Henry. - Tu n'es pas au courant ? - Au courant de quoi ? - Henry est mort. Son voisin a senti une ordeur nauséabonde alors il a été frappé à la porte. Vu qu'elle était ouverte, il s'est permis d'entrer et il a trouvé le cadavre de Henry, en décomposition, sur son lit. Overdose. - Overdose..? » Mon coeur se mit à battre plus vite que d'habitude, balloté entre le manque et la peur.

« - Bordel, Jake, t'es pas censé sniffer la coke que tu dois dealer. - Arrête de respirer, j'ai mal au crâne. - Tu nous rapportes rien dans ton état. Si tu continues à merder, je ne te fournis plus rien et tu pourras t'étouffer dans ton vomi. » Comme vous pouvez le constater, Will est un type chaleureux ! Le pire dans tout ça, c'est qu'il n'a pas tort. De dix ans mon aîné, il est presque né dans la drogue. Cependant, il a eu l'intelligence de ne jamais y toucher, contrairement à moi. J'étais devenu une pauvre larve esclave de la drogue à la mort de Henry. Ne pouvant plus retourner chez ma grand-mère, j'avais échoué à coté d'un hangars et Will m'a.. en quelque sorte recueilli. J'étais tombé sur son stock de cocaïne et d'héroïne alors, soit je travaillais pour lui et je la mettais en veilleuse, soit il me tuait. Sincèrement, une balle dans le crâne ne me faisait pas envie alors j'acceptais son marché. Mon boulot, c'est de me balader dans les rues de Cambridge, les poches remplies de coke pour la vendre à des adolescents ou aux drogués habituels. Seulement, avec toute cette drogue à portée de main, il était difficile de ne pas céder à la tentation. Je m'étais fait rosser plus d'une fois pour avoir pris un rail qui ne m'était pas destiné. Mais ce mode de vie me convenait. Je vivais sur le compte des ventes d'alcool, de drogue et d'armes, occasionnellement. Bien qu'illégal, ce job me permettait de vivre dans un certain luxe. J'étais conscient que je pouvais crever d'une overdose d'un moment à l'autre, comme ce bon vieux Henry mais sincèrement, qu'avais-je à perdre ? Rien, jusqu'à ce que je rencontre Eden.

« - Jake ? Tu m'entends ? - Mh.. - Il morfle. Embarquez toute la drogue qui reste dans son appart', appelez une ambulance à partir d'une cabine téléphonique et on se casse. » À vrai dire, dans ma tête, tout était flou. Les sons étaient déformés mais je reconnus la voix de Will. Il se passait quelque chose de grave mais quoi exactement, je n'en savais rien. En tout cas, la situation était assez dangereuse pour que Will ordonne à tous ses gars de prendre la coke et de s'enfuir. Les flics allaient sans doute débarquer et ils me plantaient là. J'étais incapable de bouger ou même simplement d'ouvrir les yeux. Mon coeur battait vite, trop vite, si bien qu'il menaçait de sortir de ma poitrine. Une fine pellicule de sueur recouvrit mon corps entier et je fus incapable de gérer ma respiration. Le bruit lointain des sirènes résonna dans ma tête, des voix, des murmures, un visage entouré d'une chevelure blonde, des yeux clairs puis.. plus rien. Étais-je mort ? Non. Je repris conscience quelques heures ou quelques jours plus tard, allez savoir. Ce n'était pas Will qui se tenait à mon chevet mais une inconnue. Une jeune femme magnifique qui ressemblait à un fantasme dans son costume de médecin. Elle s'appelait Eden. C'est tout ce que je voulais savoir. Rien de plus. J'ai quitté l'hôpital sans lui dire un mot et j'ai repris ma vie, comme si de rien n'était. Cette overdose ne m'avait pas plus chamboulé que ça et bientôt, il y en eût d'autres. Et Eden était toujours à mon chevet, attendant que je me réveille. Cette histoire a alors pris la tournure que je redoutais. Combien de fois ne m'a-t-elle pas raccompagner chez moi alors que j'étais complètement saoul, en train de lui sortir les mêmes belles paroles. « T'es la seule qui puisse être aussi belle dans une tenue ample et verte de médecin. » L'alcool me rendait pitoyable et la drogue violent. Elle subissait et se laissait faire malgré tout. Aujourd'hui, plus que jamais, elle dit « oui » à toutes mes envies et se laisse traîner docilement avec moi vers le fond.

CRAZYNUT' parlez nous de vous brièvement: Plop les fougères ! Mes principaux surnoms sont Crazynut ou Brownie, mais si vous êtes sages, je vous laisserais m'appeler Lutin. J'ai 18 ans, je suis donc majeur et libre ! Ou presque.. J'adore la lecture, l'écriture, le dessin et les codages - quelle vie de ouf malade, me direz-vous ! Vu que c'est les vacances, je passerais tous les jours pour que vous puissez profiter de ma présence *BIM* Je fais du RP depuis deux ans et mon nombre de lignes varient en fonction de l'inspiration - et de ma flemme, aussi, accessoirement (a). Mon personnage est représenté par Jared Leto (le plus sexy, mais ne bavez pas !) je pense que le code du règlement est validé par Aly .