I never read the rules.

Mon armée avançait à grandes foulées ; bientôt nous approcherons de la dernière porte, bientôt ce royaume sera mien. Bercé par les lueurs orangées des flambeaux à travers les flammes chatoyantes, je voyais l’espoir de cette grande nation qui me portait au sommet des enfers. Mes camarades voulaient ma réussite. J’allais réussir. L’erreur ne m’était pas permise. Fièrement, je m’avançai jusqu’à Angelica qui avait voulu plus que tout, faire part intégrante de notre combat. Dans l’ombre, elle rayonnait d’ingéniosité pour faire triompher la justice qui sera également celle de notre paradis. Mes hommes étaient fatigués ; elle s’occupait de certains d’eux, les cajolait, les astiquait comme de jolis soldats de bronze qu’ils étaient. Je n’étais pas jaloux. Mon esprit de conquérant était complètement aux prises avec la rare violence de cette bataille, à la stratégie qui s’en dégageait en lignes sinueuses que pourtant, nous voulions prendre avec sûreté. Plus les heures avançaient, plus je sentais la dernière heure de mon ennemi sonner. Je fis signe à Angelica de me suivre ; nous échangeâmes quelques paroles. Je lui demandai de retourner auprès de son fiancé, de voir ce qui se tramait. C’était sans doute risquer, mais je préférai la savoir éloigner des combats et ce même si son aide était vraiment précieuse à cet instant. Soudain, deux de mes hommes vinrent nous interrompre ; saluant d’une tendre accolade mon Angelica, je ne perdis pas une seconde et leur emboitai le pas. Sam voulait me retrouver de l’autre côté de notre QG. Alice lui avait confié quelques visions au sujet de nos adversaires. L’ex-chasseur était désormais des nôtres. Je l’avais manipulé, modelé à mon image. Il ne pouvait pas me résister ! Sa sangsue avait l’air assez fatiguée ; les hostilités et les combats acharnés la rendaient chétive. Pauvre fille. M’installant à la même table qu’eux, je les écoutai attentivement ; mon regard balaya le visage défait du jeune homme. Mon cher Elu qu’avait-il ? Il grimaça en m’expliquant qu’il avait malgré lui donner le sésame à Rosemary. Que cela voulait-il dire ? M’avait-il désobéit en donnant la permission à cette dernière de venir en ces lieux saints ? Un ange ici. Etait-il conquis d’une folie frénétique ? Enervé, je bondis de ma place ; la chaise de bois se brisa comme du verre au contact du sol. Rageur, je quittai la cellule puis me rendis aux côtés de ma garde. Les sentinelles n’avaient rien vu. Pour l’instant, tout était calme. Nous reprendrons la route dans une heure ou deux. Il fallait que les éclaireurs reviennent saints et saufs ; c’était le moment de savoir si oui ou non, nos efforts étaient vains. Si oui ou non, le combat nous portera jusqu’à la victoire. Je regagnai les hauteurs des collines enflammées. J’avais besoin de solitude. De réflexion.

Le temps passa incroyablement vite ; nous étions de nouveau sur la route, tous excités et angoissés. Mes hommes grinçaient des dents et serraient leurs poings ; la rage les avaient conquis comme la fièvre. Les flammes étincelaient dans nos regards comme du grenat ; la sueur perlait sur nos fronts. Mes cavaliers infernaux se ruèrent vers le Sud, où siégeait le dernier sbire à Lucifer. Mon cœur palpita plus vite alors que j’entendis un hurlement. Puis un second et un autre. Les chevaux consumés par les flammes réapparurent en hennissant ; leurs cavaliers étaient morts, carbonisés. Ils nous livrèrent les corps. Inquiets, mes hommes scrutèrent l’horizon qui était plus qu’obscure ; que se passait-il ? Étions-nous tombés dans un guet-apens ? Quelqu’un nous avait-il trahi ? Etais-je victime d’un complot ourdi par l’un de mes fanatiques ? Un épais nuage macula d’encre et de mort l’horizon enflammé ; l’orangé s’obscurcissait. Tout était angoissant. Soudain, des hommes blancs comme des morts affluèrent de ci, de là. Mes hommes étaient encerclés. Ils cherchèrent à me protéger. Je voulus les protéger. Lucifer nous avait bien eus ! Vaillante, l’armée balaya d’un souffle les quelques ennemis. Bien que certains aient trouvé la mort et que le sang coulait à flot, nous étions tous drainés par cette envie de vengeance et de justice. Un homme m’attaqua. Je le tuai. Puis un second, et un autre. Lorsque soudain, j’entendis un hurlement de femme. Pas des moindres. Ce n’était pas une démone. Cette voix, non. Il n’y avait que de la douceur dans ses souffles. Des larmes. Rosemary. Ses cheveux blonds dansaient au dessus des flammes ; un assaillant l’avait prise et voulait l’y jeter. Rêvais-je? A une vitesse inhumaine, je me retrouvai face à lui. J’attaquai l’homme, le ruai de coups jusqu’à ce que le sang me couvre complètement. Avec un couteau que Sam m’avait offert –un poignard qui tue tous les démons-, je lui tranchai la gorge. Rosemary hurlait de plus bel alors que d’autres adversaires m’attaquèrent. Ils étaient trop pour moi. Je pus en tuer six d’un coup. La larme tranchait la peau, tranchait la vie. Leurs os se brisaient. De la poussière noire virevoltait dans l’air alourdi ; les fumées toxiques nous emprisonnaient. Nous hurlions, nous étions désespérés. Je toussai. Nous avions beau tuer plus d’un assaillant, ils revenaient en nombre trop important. Mon regard chercha désespérément une trace de l’ange, puis de mes hommes. Je ne vis rien.