« Have faith in your dreams and someday your rainbow will come smiling through. No matter how your heart is grieving, if you keep on believing, the dream that you wish will come true. »

Cinderella

17 OCTOBRE 1998

« Une pluie d'automne s'abattait sur les vitres tout juste lavées. Les arbres jaunis d'Hyde Park profitaient de cette délicieuse averse, animée par les couleurs chatoyantes d'un crépuscule doré. Soudain, sur ce ciel gris pâle, se dessina un arc-en-ciel aux teintes parfaites.
L'enfant observait la ville et ses activités, fascinée par le rythme accéléré que celles-ci avaient pris sous le joug de la pluie.
Saphire ! Saphire ! Où te-caches-tu ?
Je suis dans la chambre, Beth !
Saphire. Tel était son prénom. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ses parents ne l'avaient pas nommée ainsi pour une raison particulière ; simplement, ils aimaient l'élégance et le raffinement que dégageait ce nom. Désormais, bon nombre de personnes l'associait à la beauté de ses pupilles, dont les couleurs océanes ne pouvaient que rappeler le bleu de cette pierre.
Dépêche-toi ! Ton père et ta soeur te cherchent ! dit la femme en lui attrapant la main.
Elizabeth "Beth" était la gouvernante des filles Bet-Rahel. Elle s'occupait des deux enfants depuis leur naissance et avait toujours su maintenir son autorité auprès d'elles.
La jeune Saphire se leva du sofa, serrant la main de sa gouvernante dont l'attitude montrait une certaine anxiété. Tout devait être parfait. En effet, en ce 17 Octobre, la petite tête blonde fêtait ses six ans. Chaque année, trois dates étaient d'une importance capitale au sein de cette demeure : le 25 Décembre, le 8 Juin et le 17 Octobre. La première était universelle, alors que les deux suivantes désignaient l'anniversaire des filles Bet-Rahel.
Beth avança à vive allure à travers le long corridor, puis dévala les hautes marches de l'escalier de marbre, sans laisser à sa protégée, le loisir de s'agripper à la rembarre.
Saphire portait une petite robe de coton blanche, rehaussant son teint de pêche et agrémentant son petit visage d'une touche angélique. Ses ballerines ivoire semblaient vouloir quitter ses petits pieds enfantins à mesure qu'elle descendait.
Dans le petit salon, son père, sa soeur et ses grands-parents attendaient patiemment, sirotant cocktails et autres boissons mises à leur disposition. Si les anniversaires des deux enfants étaient perçus comme des événements plus importants encore que la fête nationale dans la famille, ils ne se déroulaient pas comme des soirées mondaines "champagne-caviars", contrairement à la plupart des autres bourgeois anglais ; les Bet-Rahel préféraient se retrouver en famille et fêter ça dignement, mais sans excès.
Joyeux Anniversaire ma chérie ! s'exclama le père des deux enfants, en voyant sa cadette entrer dans la pièce.
Il l'embrassa sur le front après l'avoir longuement serrée dans ses bras et la laissa se diriger vers ses grands parents.
Aux yeux de Sir Bet-Rahel, ses filles comptaient plus que tout. Il les traitait comme de véritables princesses, tel qu'il l'avait promis à sa femme sur son lit de mort, et elles le lui rendaient bien. Leur mère ? Elle était décédée en mettant Saphire au monde. Ce tragique événement ne fut jamais caché aux enfants ; la benjamine, quant à elle, ne fut pas non plus perçue comme responsable de la mort de sa mère, ni par son père, ni par sa soeur. A contrario, cela rapprocha les membres de cette famille, les unissant davantage.
Bien ! Si on passait à table ?! proposa Mrs Parker, grand-mère des petites.
La petite famille se leva et se dirigea vers la salle à manger, suivie de Beth. »

24 MAI 2000

« Le manoir était immense. Situé dans un quartier résidentiel de Cambridge, les lieux étaient calmes et sereins. Main dans la main, Saphire et Sharon entrèrent en trombe dans leur nouvelle demeure, poursuivies par Beth exigeant une attitude plus calme.
Sir Bet-Rahel venait d'hériter de ce manoir XIXe d'un de ces aïeux, ayant rendu son dernier souffle l'année passée. Refusant de la vendre, il avait décidé de s'y installer avec ses filles, et avait laissé son hôtel particulier de Londres à ses beaux-parents.
La maison n'avait pas été habitée depuis un certain temps, mais M. Bet-Rahel l'avait faite rénover avant leur arrivée ; celle-ci jouissait désormais d'un style à la fois ancien et moderne, et était également équipée d'une piscine chauffée. Tout cela semblait presque irréel tant c'était beau.
C'est magnifique papa ! s'écria Sharon en admirant chaque pièce du rez-de-chaussé.
Je vous ai réservé une surprise ... ajouta-t-il d'un ton secret.
Ils descendirent les escaliers menant au sous-sol, traversèrent un petit couloir et s'arrêtèrent entre deux portes closes.
Celle de droite est pour Sharon, et celle de gauche, pour Saphire.
Impatiente, les filles ouvrirent chacune la porte qui leur était adressée ; A droite, une pièce emplie de divers instruments de musique, d'une platine, d'amplificateur et d'un ordinateur. A gauche, une salle dont les murs étaient ornés de miroirs, des barres accrochées le long, et parquet au sol.
Elles ne cachèrent pas leur joie, remerciant leur père et ne tarissant pas d'éloges à son sujet.
En effet, Sharon et Saphire avaient chacune une passion et un véritable talent dans le monde artistique ; L'aînée était une musicienne talentueuse, maitrisant parfaitement de nombreux instruments : piano, guitare, synthétiseur, saxophone et autres violons. La cadette, quant à elle, pratiquait la danse depuis quelques années et s'était découvert une véritable vocation. Leur mère était également danseuse au sein de la compagnie The Royal Ballet. Le père de l'enfant ne fut d'ailleurs pas surpris en découvrant les capacités de Saphire.
Sir ! Que dois-je faire de l'armoire en chêne ? s'écria Beth en haut des escaliers.
L'intéressé prit alors le couloir dans le sens inverse et remonta vers son interlocutrice, laissant les jeunes filles admirer leur nouvel univers.
A cette époque, tout sonnait encore comme un véritable conte de fées. Mais tout le monde sait que dans la vraie vie, cela ne se termine pas par un "ils vécurent heureux". »

2 SEPTEMBRE 2002

Les filles ! Descendez ! Vous allez être en retard !
Une voix encore inconnue pour le lecteur, mais déjà assimilée chez les Bet-Rahel ; celle de Kate Bet-Rahel, la nouvelle femme de M. Bet-Rahel.
Ce dernier l'avait rencontrée peu de temps après leur arrivée à Cambridge ; elle attendait un bus qui n'arrivait pas, et il lui avait proposé de la raccompagner. Voilà comment tout commença. Et, en seulement deux années, ils s'étaient mariés, et Kate et sa fille étaient venues vivre dans cette demeure. Si tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour cette nouvelle famille, la petite fratrie n'était pas d'accord sur ce point. Sharon ne chercha pas à connaître sa nouvelle demi-soeur, et elle invita sa cadette à en faire de même ; influencée par sa soeur, Saphire l'avait donc écoutée et laissé la petite nouvelle sur la touche. Leurs parents avaient essayé de les faire s'entendre, mais ce fut en vain. Sharon, quatorze ans, entrait dans une phase de rébellion, sans pour autant délaisser sa petite soeur, et cette dernière la suivait dans tout ce qu'elle faisait.
Mais, étrangement, les filles ne furent pas les seules à rejeter ces nouvelles venues ; Beth, la gouvernante, ne voyait pas d'un bon oeil cette femme fraîchement arrivée. Plusieurs fois elle avait tenté d'en discuter avec son employeur, mais celui-ci l'avait sans cesse envoyée élégamment sur les roses.
En résumé, si la famille Bet-Rahel est un modèle de perfection en apparence, l'ambiance est bien différente derrière les murs du manoir. Mais le pire apparait lorsque M. Bet-Rahel part en voyage, quittant la demeure pour plusieurs jours ; deux groupes se créent et s'affrontent dans les larmes, la sueur et le sang : les deux filles Bet-Rahel d'un côté et les deux nouvelles de l'autre. Mrs Bet-Rahel hausse le ton, ne supportant pas de voir sa fille si peu intégrée dans la famille, Sharon réplique en expliquant qu'elle n'a aucun droit sur sa soeur et elle, et les insultes fusent. Seule Beth reste en retrait, préférant ne pas se mêler de leurs histoires familiales. Mais, au retour du père de famille, tout redevient calme à la surface. Et ce n'est que le début ... »

8 JANVIER 2004

Que s'est-il passé ?! s'écria Mrs Bet-Rahel, la voix et les mains tremblantes, manquant de lâcher le combiné de téléphone.
Saphire, qui venait de quitter sa salle de danse personnelle, remontait les escaliers et entendu les cris de sa belle-mère. Elle s'adossa contre la rembarre, cherchant à écouter la conversation ; Kate suffoquait, étouffée par ses sanglots. Que pouvait-il se passer pour qu'elle soit dans un tel état ?
Soudain, elle remercia son interlocuteur et raccrocha. Tel un pantin, elle avança en direction de la cuisine sans même remarquer la présence de l'adolescente. Un peu plus loin, elle croisa Beth qui s'interrogea également sur son état.
Que se passe-t-il Madame ? demanda-t-elle d'une voix douce et anxieuse.
Une fois de plus, elle s'effondra, s'appuyant sur la gouvernante pour ne pas tomber.
Il ne rentrera pas ... son ... son avion, il ... il ... il s'est écrasé.
Le visage de Beth changea radicalement d'expression :
C'est ... Monsieur ?
Elle acquiesça brièvement avant de fondre à nouveau en larmes.
De son côté, la jeune Saphire, qui avait tout entendu, sentit les larmes lui monter aux yeux. Ses pointes lui glissèrent des mains et tombèrent sur le sol. Elle ne bougeait pas, ne parvenait pas à réaliser ce qu'elle venait d'entendre. Son père serait mort ? C'est impossible ... c'est absolument impossible. Lui qui avait toujours été présent pour Sharon et elle, lui qui leur avait tout donné. Elle ne pouvait pas le croire ! Et pourtant ...
Les funérailles eurent lieu quelques jours plus tard, en présence des grands-parents des jeunes filles. Si Saphire ne pouvait s'arrêter de pleurer, Sharon, elle, ne laissa pas une larme s'échapper ; elle regardait la cérémonie, sans dire un mot, sans rien laisser paraître. Elle aurait pu passer pour une fille sans coeur et sans âme ; mais Saphire savait bien qu'elle n'était pas comme ça.
Juste après la cérémonie, la grand-mère de Saphire s'avança vers Kate, lui demandant comment allait se dérouler la garde de ses belles-filles. Celle-ci la rassura en lui disant qu'elle les considérait comme ses propres filles. Sharon manqua d'intervenir mais préféra se taire.
Sur le chemin du retour, la jeune fille prit sa petite soeur dans ses bras en lui disant que tout irait bien, tant qu'elles seraient ensemble. Saphire avait confiance en sa soeur ; elle avait toujours été là pour la protéger et cela ne changerait pas. Elle en était persuadée. »

17 NOVEMBRE 2004

Je sors ! lâcha Sharon, court vêtue, en descendant les escaliers.
Hors de question. Il est onze heures passées, tu vas te coucher s'il te plait, répliqua sa belle-mère.
Ca n'était pas une question, Kate ! je sors, un point c'est tout !
L'adolescente attrapa une veste imitation cuir de couleur noire et sortit sans rien ajouter. Dehors, une voiture européenne, tous feux éteints, attendait. Elle grimpa à l'intérieur et s'enfuit à vive allure dans la pénombre.
Sharon avait beaucoup changé depuis la mort de son père ; elle sortait régulièrement, s'habillait chaque jour de plus en plus court et, pire que tout, ne parlait quasiment plus à Saphire. Celle-ci en souffrait énormément. Un jour, elle surprit sa soeur en pleine conversation téléphonique avec un certain Caliel, son petit ami. Ils s'étaient croisés plusieurs fois, mais la jeune fille ne lui avait jamais adressé le moindre mot sympathique ; elle ne supportait pas l'influence qu'il avait sur sa soeur. Sharon avait beau réconforter la petite en lui disant qu'il ne pourrait jamais les séparer, elle le détestait malgré tout. Lorsqu'elle devait en parler, elle le surnommait grossièrement "le petit con". Jamais elle ne l'avait appelé par son prénom. A ses yeux, il n'était rien d'autre qu'un arriviste qui profitait de sa soeur, et ça, elle ne pouvait pas l'accepter. Il était la raison de multiples disputes entre les deux jeunes filles, mais au final, Saphire sortait toujours bredouille de cet affrontement.
En ce soir là, l'adolescente était persuadée que sa soeur rentrerait à l'aube, une fois de plus, imbibée d'alcool, les cheveux et les vêtements parfumés au tabac et autres substances dont elle ignorait alors le nom.
Mais ce soir là serait différent. En effet, la nuit du 17 Novembre 2004, Sharon ne rentrerait pas. Mais ça, elle ne le sut que le lendemain matin, lorsque le téléphone sonna ; Sharon était décédée à la suite d'un accident de voiture, conduite par son petit ami.
Sa réaction fut pire qu'à la mort de son père ; Sharon avait toujours été son point de repère, son attache, celle qui la faisait rester debout et qui avait toujours les mots pour la faire sourire. Le vide était immense.
Ses grands yeux céruléens s'emplirent de larmes pour la seconde fois cette année. Désormais, elle était seule dans cette famille.

Le jour des obsèques, elle se comporta comme sa soeur quelques mois plus tôt ; elle ne laissa échapper aucune larme, aucun mot à qui que ce soit. "Le petit con" était là également. Plusieurs fois, elle voulut le gifler, l'étrangler, le saigner à blanc, lui faire ressentir toute cette douleur qui s'accumulait au fond de son être. Mais elle ne fit rien. Par manque de courage ou simplement par dignité ? Elle même n'en savait rien.
Ce fut d'ailleurs la dernière fois qu'elle le vit. Ce type lui avait prit tout ce qu'il lui restait ; il allait le payer ! Un jour ou l'autre, il le paierait très cher ! »

14 FEVRIER 2007

Saphire ! Dépêche-toi ! Les invités vont bientôt arriver !
Cela faisait trois ans que Sharon était partie. Saphire s'était retrouvée seule à affronter Kate et sa fille, et elle le savait, elle ne faisait pas le poids. Elle n'avait pas le courage et la force de Sharon qui avait toujours su quoi faire. Non. Elle se laissait malmener par cette femme sans coeur, qui prenait un malin plaisir à lui reprocher la misère du monde. La jeune fille n'en était pas encore réduit à devenir un de ses domestiques, mais elle se faisait malmener psychologiquement ; La moindre erreur, la moindre petite chose qui n'allait pas, et elle était la cible de toutes les insultes.
J'arrive !, répondit-elle sur un ton de dédain.
Depuis le décès de son père, elle ne touchait plus le moindre argent de poche ; Kate lui avait rapidement fait comprendre que pour gagner de l'argent, il faut le mériter. Pour elle, cela signifiait se rendre utile. Saphire mettait donc la main à la pâte, et aidait en cuisine, pour le ménage et toute autre tâche ménagère.
Ce 14 Février, sa demi-soeur fêtait ses seize ans. Une gigantesque soirée avait été prévue pour l'occasion, regroupant tout le gratin de la ville et des cités voisines. Saphire savait qu'elle pourrait être bien récompensée si elle participait activement à l'événement, et avait donc mis sa rancoeur de côté pour se rendre utile. Ainsi, toute la soirée, elle s'occupa du service des boissons, des petits fours, et autres aliments bio et sans additifs.
Bien souvent, elle sentait qu'elle allait exploser, mais parvint à se retenir jusqu'au bout. Aux environs de minuit, les invités finirent pas déserter. Sa demi-soeur, de son côté, sortit avec ses amis, et Kate partit se coucher.
Pour se défouler convenablement, Saphire n'avait qu'une seule recette : danser.
Fort heureusement, sa salle de danse était toujours là. Elle descendit et s'entraîna pendant des heures, sans voir le temps passer. Au final, ce fut Beth qui vint la trouver pour lui conseiller d'aller dormir.
La jeune fille ne s'entraînait que le soir, une fois tout le monde couché car, sa belle-mère ne supportait pas le bruit depuis le salon, pièce dans laquelle elle se trouvait tout l'hiver.
J'ai hâte de partir de ce maudit endroit ! Je réaliserai mon rêve et les oublierais toutes les deux »

7 MAI 2010

J'ai reçu une bourse pour Harvard !
Saphire n'en croyait pas ses yeux ; grâce à ses résultats, elle avait obtenu une bourse pour pouvoir étudier dans cette prestigieuse université. Seule ombre au tableau : sa demi-soeur s'y trouvait également. Mais ça, elle en ferait abstraction. Enfin elle allait pouvoir partir de cet endroit comme elle l'avait souhaité. Qu'allait-elle y étudier ? Le droit. Pourquoi ? Car son sens de la justice s'était développé après toutes ces années de malheur ; sans doute d'avoir vu le petit ami de sa soeur gracié par la cour dans l'affaire de l'accident, alors qu'il irradiait l'alcool et était mineur. Cependant, ses rêves de danse demeuraient intact. Le droit ne serait qu'un Plan B, même si elle espérait plus que tout que le Plan A se déroule parfaitement.
Sur sa table de nuit se trouvait une photo encadrée ; la photo du mariage de son père, où elle posait aux côtés de ce dernier et de sa soeur.
Papa, Sharon. J'ai réussi. J'espère que vous êtes fiers de moi.