« Dites-moi Brice, qu'est-ce que vous ressentez à cet instant ? » « Je me fais chier. » La réponse froide et déplacée du jeune homme dérouta le médecin qui n'osa rétorquer quoi que ce soit. Après quelques secondes à se regarder dans le blanc des yeux, il se leva et partie en direction de son bureau, ouvrant un tiroir dans lequel se trouver une bouteille d'alcool accompagné d'un verre. Sous le regard étonné de Brice, le médecin n'hésita pas à se servir, buvant une gorgée comme si tout était censé être normal. « C'est pas très professionnel. » « Ta copine vient de se suicider, l'enterrement est demain, sa mère veut un procès à ton encontre, tout ton lycée t'accuse d'être l'unique fautif, et tout ce que tu trouves à dire c'est : je me fais chier. Je ne suis pas très professionnel, mais toi tu n'es pas très humain. » Le ton calme qu'avait pris l'homme aux cheveux gris pour résumer la situation la rendait encore plus effrayante et Brice comprit bien vite que les ennuies ne faisaient que commencer. Il s'enfonça un peu plus dans son siège en se mordant la lèvre presqu'à sang. « Alors dis-moi, tu as forcé ta copine à avorter n'est-ce pas ? » « J'ai déjà répondu à la police. » « Mais je ne suis pas de la police, je suis ton psy. » Là, il avait pris un ton dramatique, et Brice le soupçonnait de la faire exprès, pour le dérouter, le faire parler. Il n'en avait pas voulu de ces rendez-vous à la noix, ça mère l'avait obligé, soutenue par la police chargée d'enquêter sur le suicide de Julie. Il n'avait pas besoin de parler, il n'en voyait pas l'intérêt et la volonté du vieil homme d'entrer dans son jardin secret l'effrayer. Brice avait toujours voulu régler tout par lui-même et estimer qu'un homme doit être capable de régler ses problèmes seul. « Je ne l'ai pas forcé à avorter, elle était d'accord. » « Hum hum .. continues. » Le médecin griffonna sur un petit cahier tout en buvant une gorgée d'alcool. Brice n'avait pas franchement envie de continuer, il en avait déjà trop dit, pas besoin de rentrer dans les détails ; il n'était pas coupable. « Elle m'a dit qu'elle était enceinte, je lui ai répondu avorte et elle a murmuré d'accord. C'est tout. » « Je vois .. et vous n'en avez pas discuté plus que ça ? » « Pourquoi ? Elle était d'accord. » Le vieil homme soupira et son regard interrogateur mettait Brice mal à l'aise. Lui aussi le pensait coupable, c'était ce qu'on lui reprochait toujours : ne pas en avoir parlé plus que ça. Mais pourquoi faire ? Ils n'avaient que dix-sept ans, des études en cours et surtout, Brice n'était pas amoureux. Jamais il ne lui était venu à l'idée de sacrifier sa vie pour une histoire de dix minutes au lit.

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« Ta mère m'a dit que tu n'étais pas allé à l'enterrement de Julie. » Un petit rire sournois s'échappa de la bouche de Brice qui s'empressa de répliquer. « Vous complotez à deux maintenant ? » « Écoutes Brice.. » La voix du vieil homme était plus posée que la première fois, comme s'il voulait montrer à son interlocuteur qu'il pouvait avoir confiance en lui, mais Campbell n'était pas dupe. « J'essaye juste de t'aider à surmonter ça .. » « Je le vis très bien tout seul. » « Tu ne réalises pas l'impact que ça aura sur ta vie et.. » « Bien sûr que si je réalise, et j'ai pas besoin de vous pour ça. » La consultation venait à peine de commencer que Brice se levait déjà, empoignant sa veste tout en se dirigeant vers la porte de sortie. Il n'avait pas envie de venir dans cet endroit, il n'aimait pas être forcé et les mots du médecin n'accentuaient en rien son envie de rester, alors, autant partir. Il avait très bien compris sa part de responsabilité dans cette affaire, il savait aussi qu'il le payerait toute sa vie, ce n'est pas parce qu'il ne montrait aucune émotion qu'il n'en était pas sensible. « Au fait. » Il avait déjà la main sur le poignet mais il avait décidé de se tourner vers le psychologue. « Si Julie c'est suicidé, c'est surtout à cause de son père. » Il n'attendit pas la réponse, ouvrit la porte, et partit.