"Eh oui le passé c'est douloureux... Mais tu peux soit le fuir, soit tout en apprendre"

Il y a toujours un moment dans notre vie où tout vole en éclat, où tout bascule. Toutes nos certitudes et nos valeurs sont balayées d’un revers de main. Comme si finalement tout ce à quoi nous croyons, tout ce à quoi nous sommes attachés était vain. Tout ce qui compte, nous rassure, nous protège, nous motive peut disparaître du jour au lendemain. Tout ce qui compte, tout ce que nous sommes n’est rien que du vent. Un vent léger ou violent mais surtout fait de hasard. On ne sait jamais où celui-ci nous mène, il semble nous guider mais peut tout aussi bien nous perdre. On vit tous un jour ou l’autre cet espèce de vide, ce trou béant qui fait de nous une ombre, des cendres. La vie ne tient qu’à un fils. On se sent si fort, si jeune, si vivant que l’idée même de la mort ne nous atteint pas. Cette mort qui nous paraît si lointaine, si improbable, si inoffensive. Pourtant, chaque jour elle frappe, sans prévenir, sans crier garde et elle nous prend tout entier, nous fais basculer, tomber dans la réalité. C’est seulement lorsque que l’on prend conscience de la mort que l’on peut apprendre à vivre, à savourer chaque instant jusqu’au dernier souffle.

Moi, je l’ai déjà vécu cette perte. Elle a été douloureuse, intense. Je l’ai trouvé injuste, sans pitié et surtout d’une extrême violence. On a beau nous préparer à la mort, tant que l’on ne la pas vécu soi-même ou dans le regard d’un autre, elle n’existe pas. Tant qu’elle ne vous a pas prit tout entier, tant qu’elle n’a pas rongé chaque parcelle de votre vie, elle reste imprécise et vague. Pourtant, elle ne laisse aucune chance à celui qu’elle a choisit pour cible. Elle peut vous hotter la vie aussi rapidement qu’elle peut vous faire languir. Elle avait prit mon frère de la façon la plus horrible qui soit. Elle l’avait rongé comme un chien ronge son os. Doucement, mais sûrement, le préparant à une mort inévitable et certaine. Pourtant, mon frère l’avait affronté avec le sourire, sa rage de vivre je la connaissais. C’était un battant. Jusqu’à la fin, il avait espéré qu’il sortirait de ce fichu hôpital. C’est ainsi qu’il avait lutté. Toute sa force il l’avait puisé dans cet espoir qu’un jour, il sortirait d’ici...

J’aurai tout donné pour être à sa place. Lui laisser cette chance de vivre, il le méritait. Ma vie contre la sienne. Tout donner pour ne pas le voir partir loin de moi. Sauf que la vie et la mort ont leurs règles, et la plus importante est que l’on ne peut pas changer le « destin ». Elles l’avaient choisit lui et je ne pouvais rien faire à cela. Je ne pouvais que me lamenter et haïr la vie de me priver de mon frère, de ma moitié. Le plus dur après avoir côtoyé la mort d’aussi près, c’est qu’il est difficile d’essayer de vivre à nouveau. De retrouver l’élan nécessaire pour faire son deuil, continuer d’avancer. Il me l’a souvent répété de ne pas me morfondre, qu’il serait toujours près de moi, dans mon cœur, dans ma mémoire. Après tout, s’il était encore présent dans ma mémoire, il restait vivant en quelque sorte. Mais c’est toujours plus facile à dire qu’à faire. Le nombre de fois où je lui disais qu’il racontait n’importe quoi, qu’il allait guérir, quitter ce lit et vivre de nouveau.

Sauf qu’il était partit, loin de moi et ce pour toujours. Il m’avait quitté pour rejoindre les anges là-haut. Inutile de dire que sa mort m’avait dévasté. J’ai longtemps pleuré toutes les larmes de mon corps, secrètement, car m’afficher aux yeux de tous était tout bonnement exclus. C’était ma peine et celle de personne d’autre. Personne ne pourrait comprendre et ça ne les regardait pas. C’était une histoire entre lui et moi. Il ne me restait que mes souvenirs pour avancer. Oublier la souffrance, en faire une force, avancer. C’est ce qu’il m’avait toujours dis de faire. Ne jamais reculer, ne pas resté immobile, toujours avancer. Alors même si la route avait été longue, je m’étais battue corps et âme pour qu’il soit toujours fier de moi, qu’il voit que je continuai à avancer. Il avait longtemps été ma faiblesse. Il suffisait de dire son nom pour que tout en moi se fissure et que je me brise à nouveau en mille morceaux. Aujourd’hui, il était devenu ma force et rien ni personne ne pourrait me l’enlever. Jamais.


"La vie a un début et une fin le reste c'est ce que vous en faites"