Je crois pas que j'aurais pu avoir mieux comme enfance, après tout je n'étais pas désiré et je l'ai toujours su au fond de moi. Comme si c'était gravé sur mon coeur, que celui-ci battait oui mais qu'il aurait largement pu ne jamais battre. Peut-être aurais-je dû arriver quelques années plus tard, ou que j'aurais dû avoir une vie différente au sein d'un autre corps mais avec toujours la même âme. Parfois je me surprends à imaginer la tête qu'à pu faire ma mère beaucoup trop jeune, quand elle a apprit qu'elle partageait dorénavant son corps avec un inconnu. L'enfant de la honte en quelque sorte, car même si on n'a jamais eu des paroles blessantes, j'ai toujours été le fils de ma grand mère et cela je ne l'ai compris que très tard. Je prenais ma mère pour ma soeur, elle me ressemblait bien sûr mais quel frère ne ressemble pas de près ou de loin à quelqu'un de sa fratrie autre que ses parents. Je n'ai jamais connu mon père, enfin j'aime dire ça car la seule rencontre que j'ai eu avec lui, c'était le jour de son enterrement et je n'avais nullement conscience que c'était lui. J'étais issue d'un mensonge, d'un soir où tout avait basculé lors d'une fête communale de la St Patrick. Ma mère était sortie dans la soirée pour fêter cela avec ses proches amies, elle était si jeune et si jolie, je pouvais comprendre que les garçons et les hommes ne restaient pas indifférent. Elle avait passé le cap, qu'une de ses amies disait en la raccompagnant à une heure très tardive de la fête, marchant pas non plus bien droit il fallait l'avouer. Aucun souvenir de cette soirée, hormis quelques moments de la soirée raconté par une de ses amies, elle dansait avec un jeune garçon qui n'était pas vraiment fréquentable. Tout le monde était saoule à ce moment précis de l'année, bières coulant à flots et aucune retenue n'était envisageable dès lors que c'était la St Patrick ici, et c'était aussi le soir où il y avait le plus de drames divers. Je fus conçu ce soir là mais à quinze ans on imagine pas du tout que le sexe apporte un boulet qu'on doit trainer ensuite toute sa vie, sans doute qu'elle ne serait pas sortie. Elle a toujours nié me regretter, pourtant elle m'a fait passer pour le fils de sa mère, pour ma soeur qu'elle a toujours été dans mon coeur depuis ma naissance. Très rarement elle sortait, moi-même je sortais beaucoup plus qu'elle, du moins ma mère m'en donnait plus souvent l'occasion sans même que je ne demande une permission.

Comment j'ai finit par apprendre que ma soeur auquel je pouvais en faire voir de toutes les couleurs, était en fait ma propre mère, celle qui avait souffert des heures avant que je puisse pousser mon premier cri. J'ai toujours su qu'il y avait quelque chose qui ne collait pas, je ne sais pas comment l'expliquer mais j'avais ce manque en moi que ma mère et ma soeur justifiait par le manque d'un père. Je n'avais jamais le droit d'aller au cimetière, je me disais que c'était peut-être pas un endroit pour moi quand j'étais plus jeune mais un jour j'ai eu l'occasion de m'y rendre. Pas très réjouissante cette occasion mais je disais au revoir à quelqu'un que j'admirais beaucoup, un vieil homme qui me donnait toujours des bonbons en douce quand je passais à son magasin. Du coup ça m'avait paru normal que j'y sois, je n'avais que dix sept ans mais toute ma tête avait déjà quelques années d'avance, j'avais l'intelligence d'un grand homme que me disait ma mère en voyant qu'elle a plus de mal à me gérer. Je m'étais dit pourquoi ne pas aller voir, mon père enfin celui que je pensais être, d'après ma mère il est mort quand elle m'attendait et de ce fait je ne l'ai jamais connu. Sur le moment je n'avais pas tilté sur la date, me concentrant plutôt à arracher les quelques herbes mauvaises tout autour de la pierre, et quand j'en arrivais à ce qui était gravé, j'apprenais qu'il était mort deux mois plus tôt. Pas il y a deux mois mais deux ans avant que je ne sois même dans les couilles d'un quelconque géniteur, j'en fus déchiré d'un tel mensonge. Je fis rapidement mes sacs pour un horizon quelconque, je pris la route à pied en direction de Dublin, la grande capital après tout là-bas je trouverais sans doute mon bonheur, j'étais jeune et j'eus quelques galères à combler. Je n'étais pas seul car un de mes oncles vivait là-bas et quand il a su que je débarquais là-bas il a voulu rapidement que je sois à ses côtés auprès de sa famille. Très complice avec ma cousine d'un an de plus que moi, on faisait les quatre cent coups ensemble, tombant dans la même classe ce fût assez difficile pour les professeurs de nous supporter. J'en oubliais mes tracas, ces soucis de paternité car au fond j'étais assez vieux pour gérer les choses et ne pas me laisser sombrer dans la descente quelconque en enfer. Du moins je le pensais car ici les soirées en sont pas réservé à étudier mais plutôt à faire la fête, jusqu'à l'université c'était quasiment que cela et mon oncle en riait quand je ramenais des jeunes femmes à la maison et que je ne savais plus vraiment son identité ou encore l'endroit où je l'avais prise.

Obtention du premier diplôme la branche qui me disait le plus était l'art, je vous l'avais caché mais depuis petit, au départ des traits et de cercles ou des gribouillages, j'eus une affection particulière avec l'univers du dessin. Cela était un peu brouillon bien sûr à mes débuts car je me souvenais que ma mère et ma soeur entassaient tous mes essais et se cachaient même pour les jeter au coin du feu. C'était une partie de moi que je voulais améliorer, rendre un peu plus personnelle mais pour cela il me fallait quelques artistes capables de m'apprendre ce que je n'ai pas pu savoir tout seul. Je passais alors l'audition d'entrée pour le National College of Art and Design de Dublin, je crois que c'était la première fois que je passais une semaine de nuits blanches sans faire la fête ou participer à une quelconque soirée arrosée. Je me souvenais avoir limite fait un malaise en ne voyant pas mon nom sur la liste des reçus, sauf qu'en fait je ne cherchais pas vraiment mon identité sur la liste, je sais pas où j'avais eu la tête à ce moment là mais ma cousine m'avait mit une paire de claques avant de me pointer du doigt mon nom et mon prénom avec la mention "reçu". Un très bon moment pour moi, j'ai beau avoir l'air toujours sûr de moi quand je suis en soirée, devant un examen je suis plutôt en transe de peur et je ne la mène pas large du tout. Quatre années d'études pour avoir la satisfaction d'être un peu plus meilleur qu'à l'entrée, j'avais un don particulier qu'on me disait car je menais l'art à ma façon, j'étais autodidacte car je jouais du piano et de la guitare sans savoir lire une seule petite note de musique. J'ai eu ce don de ma mère biologique au départ je pensais que c'était ma grand-mère qui en ayant inscrit ses enfants à la musique cela avait donné des petits prodigues dans ce domaine. Moi je n'avais jamais mit les pieds dans un quelconque cours et pourtant je pouvais rejouer ce que j'entendais tout juste la minute d'avant, mais ça je crois que c'est dans mes gênes ce petit côté artiste.

Je vivais de petits boulots en petits boulots, un soir j'étais serveur et un autre je conduisais les bateaux au bord de l'eau pour les touristes amoureux venus passer un petit moment au coin de la nuit marine. J'aimais jouer dans la roue avec ma guitare pour avoir quelques sous que je donnais à des clochards ensuite que je croisais dans la rue, j'avais suffisamment d'argent pour subvenir à mes propres besoins, et je partageais un appartement avec ma cousine depuis deux ans. On s'entendait bien entre deux bordéliques comme nous, autant dire qu'il ne fallait pas être pressé de trouver quelque chose dans notre appartement. Mais au fond on aimait vivre comme cela, elle a toujours ce petit côté hippie que j'adorais, et je m'étais fait rapidement à son petit style de vie, d'ailleurs ses amis adoraient quand je les berçais au son de ma guitare surtout.

Cambridge, États-Unis. C'était ce qu'il y avait d'écrit sur ce billet d'avion que je m'apprêtais à donner à une jolie hôtesse, que je ne perdais pas du regard. Cela n'était pas une idée en l'air, simplement l'envie de découvrir le monde, et d'éviter de tourner en rond au sein d'un pays et d'une culture que je connaissais par coeur. Mon avenir m'appartient, et j'espère pouvoir dire un jour, que Cambridge m'appartient également.