Il était jeune, et il aimait l’action, l’adrénaline était sa drogue. C’était mieux que la cocaïne ou l’ectasie qui étaient la bible des jeunes de son lycée. Non, trop peu pour lui. Boxeur depuis sa tendre enfance, il préférait cogner plutôt qu’être shooter. Et puis quand on est jeune, on est con. Faut l’avouer. On se prend pour des Dieux, on envoie chier l’autorité et on se croit au dessus de tout le monde. C’était le cas de Sohel. Le jeune homme était très orgueilleux, égocentrique, il ne jurait que par son propre nom. Le genre de type insupportable qu’on rêve de remettre à sa place, ou qu’un jour il tombe du trône que les autres lui ont construit. Dans son lycée de Cambridge, Sohel était un des plus réputé, des plus aimés, et personne ne savait vraiment pourquoi. Peut être sa belle gueule, ou alors la crainte qu’un jour il vous cogne. Sohel se complaisait dans ce moule. Il n’aurait jamais cru qu’un jour, son chemin allait prendre une tout autre tournure…

Hey, slow it down whataya want from me, Whataya want from me? Yeah I’m afraid whataya want from me, Whataya want from me ? There might have been a time and I would give myself away. Oooh once upon a time I didn’t give a damn. But now, here we are so whataya want from me, Whataya want from me…

Elle était plantée là, devant lui après s’être relevé. Maladroite comme pourrait l’être un bébé, elle lui était tombé dessus après un mini sprint pour arriver première à sa course, dans le gymnase du lycée. Lui traversait la piste avec un matelas et n’avait pas vu les coureurs arriver, et encore moins cette petite blondinette. Il lui tendit la main avec un petit sourire pour l’aider se relever : « Quand on ne sait pas freiner, on accélère pas… » « Et quand on ne sait pas traverser, on apprend ! Tu sais comme les enfants ? Avant de passer, tu regardes, à gauche, puis à droite… Mais t’as une belle gueule, et ton accent British me fait marrer alors je te pardonne… ». Un sourire, un clin d’œil, et elle est repartie au pas de course. Sohel la regarda faire, un sourcil levé. Voilà ce qui s’appelle se faire remettre à sa place… Mais le plus étrange, c’est que ça fit sourire le jeune homme. Sohel la regarda courir presque tout le long de son entrainement, et à la fin, alors que sa coach signala la fin, Sohel descendit des gradins avant de s’approcher d’elle : « Tu fais quoi là ? » . Elle posa ses yeux bleuté sur lui avec un petit sourire avant de répondre : « Là, je vais prendre ma douche, et je rentre chez moi… … Tu veux venir ? Chez moi, je veux dire ! » . Elle pouffa de rire, amusé, et le jeune homme acquiesça d’un signe de tête avec un sourire en coin. Il lui tendit la main avant de dire : « Sohel, Sohel Galloway ». « Je sais. Moi c’est Bluenn » Et elle lui fi tune bise sur la joue avant de s’éloigner. Il serra le poing avant de le remettre le long de son corps. Il était assez intrigué par cette fille, une envie de la connaitre qu’il n’avait jamais eu en près de 17 ans de son existence. Et ce soir là, ils ont discuté, parler de leur vie, de leur études, rigoler devant des films, passer une nuit blanche à se découvrir l’un l’autre, sans arrière pensée. Et pourtant, au petit matin, un baiser fût échangé avant qu’il ne rentre chez lui. Et ça lui faisait peur. Il n’avait pas l’habitude, il ne savait pas comment s’y prendre, encore moins ce qu’elle attendait de lui. Il n’avait jamais eu de vraies relations sérieuses, et pourtant, avec elle, il voulait essayer.

Elle lui donnait des ailes.

Yeah, it’s plain to see that baby you’re beautiful and it’s nothing wrong with you. It’s me, I’m a freak but thanks for lovin’ me Cause you’re doing it perfectly. There might have been a time, When I would let you step away I wouldn’t even try But I think you could save my life.

Elle lui a apprit à aimer, mais aussi à détester. Détester tous ces enfoirés qui la draguait, détester l’amour si fort qu’il a pour elle qui le bouffait parfois. Il l’aimait à en crever, au point qu’il avait du mal à la voir loin de lui. Il s’était découvert possessif, jaloux, au point d’être suspicieux envers elle quand elle ne lui répondait pas. Et il ne se supportait pas comme ça. Il ne supportait pas d’être totalement dépendant, totalement accroc, en plus de ça, cette relation ne plaisait pas à tout le monde. Le grand boxeur du lycée, plus accessible à cause d’une potiche ? Le don juan, casé ? C’est alors qu’une rumeur couru plus tard, dans la faculté, comme quoi Sohel aurait embrassé une autre fille pendant une fête étudiante… Tous deux à Duke, Bluenn l’avait suivi car elle-même étudiait le sport, mais en athlétisme pour être coach. Et la rumeur arriva à ses oreilles. Et dans le petit studio du couple, une dispute éclata : « Sohel, c’est vrai, ou pas ?! Réponds moi ! » Le jeune homme enfila un marcel, sortant de la douche. Il sentait les nerfs lui monter, petit à petit avant de rétorquer froidement : « Je n’ai pas de compte à te rendre, Blu’. Tu as confiance, ou pas, à toi de voir. » « Comment oses tu me parler de confiance Sohel ! Au moindre petit faux pas, c'est-à-dire ne pas répondre à ton message dans la seconde, tu me tailles ! C’est quoi ton problème, merde ! » Elle balança au sol son téléphone portable qu’elle tenait dans les mains avec force et Sohel la fixa avant de finir par dire, après quelques secondes de silence : « Je t’aime à en crever, c’est ça mon problème ! J’ai peur de cette dépendance qui me bouffe ! Alors oui, je l’ai embrassé ! Ca te va ?! Je voulais me prouver que je n’étais pas accroc, totalement dévoué à une fille… » . Elle s’approcha de lui, le regard sans réelle expression distincte. Elle se planta devant lui avant de dire, presque dans un murmure : « Conclusion de ta petite expérience.. ? »

« Je t’aime… »

« Dieu, pourquoi décides-tu de ma vie? Et si je voulais autre chose ? Pourquoi ? Pourquoi ça n’arrive pas qu’aux autres ? »

Replonger dans ses souvenirs lui faisait mal. Ca le tiraillait au fond de lui, comme une plaie cicatrisée qu’on réouvrait avec une lame bien aiguisée. Regardant par la fenêtre, alors que la neige tombait doucement en cette nuit froide d’hiver, il était dans cette foutue salle d’attente, encore. Parce que ça n’arrive pas qu’aux autres… Ce soir là, il avait eu match. Il était à New York city, il combattait, Bluenn n’avait pas pu venir pour des raisons professionnelles. Ils s’aimaient, ils s’aimaient à en crever. Il l’avait demandé en mariage quand ils avaient 20 ans, pour se passer la bague à 21 ans. A l’heure d’aujourd’hui, ils étaient mariés depuis 4 ans, avec au total 8 ans de relation… Sohel fixait une ambulance dehors, qui apportait un blessé, encore un… Le monde ne tournait vraiment pas rond… Et ça n’arrive pas qu’aux autres… On croit que rien ne viendrait amputer une vie parfaite. Marié à une femme aimante, boxeur avec pleins de sponsors réputés, une maison de rêve, un appartement confortable en prime, et un beau jour, on vous appelle et on vous dit « votre femme est à l’hôpital, elle a eu un grave accident… », parce que ça n’arrive pas qu’aux autres…

Just don’t give up I’m workin’ it out, Please don’t give in, I won’t let you down. It messed me up, need a second to breathe, Just keep comin around…

Elle était dans le taxi, pour venir le chercher à l’aéroport en ce temps neigeux. Tout présageait que l’avion allait atterrir à l’heure, que tout allait bien se passer. Elle avait préparé le diner pour accueillir son sportif qui allait avoir l’estomac vide, elle avait changé leurs draps, pour que le lit soit bien, fait le ménage à fond… Tout pour retrouver son homme après trois jours loin d’elle. Impatiente, elle demanda au chauffeur du taxi de prendre le chemin le plus rapide, pour éviter les bouchons. Elle avait tellement hâte de le prendre dans ses bras…

Sohel l’attendait dans le hall de l’aéroport, le téléphone en main, son sac sur l’épaule. Son agent était déjà parti, on l’attendait. Ce soir, c’était le réveillon de noël… Un noël enneigé, n’est-ce pas beau ? Mais elle n’arrivait pas. Pourquoi n’était-elle pas encore là ? Il lui avait pourtant dit que l’avion serait à l’heure…

Bluenn regardait dehors. Les flocons de neige tapaient sur les vitres, tapissaient le sol de leur couleur blanche. Elle aimait ce temps. Ca donnait un air de magie dans la ville… Le feu passa au vert, la voiture redémarra… Et c’est alors qu’elle vit deux grands phares, par sa vitre… Qui se rapprochait dangereusement, trop vite, bien trop vite…


« Allô ? » « Monsieur Galloway ? Ici l’hôpital St Maxence.Votre femme est à l’hôpital, elle a eu un grave accident… »


ONE YEAR LATER…

Cette impression que tout s’effondre. Que votre monde arrête de tourner. L’impression absurde de tomber dans le vide, que le silence règne et vous bouffe. Sohel revoit encore le médecin s’approcher de lui, avec son air grave. Non, Bluenn n’était pas morte… Elle était tombé dans le coma pendant l’opération. Elle avait subi des dommages crâniens et cardiaque. Les médecins lui ont expliqué qu’elle n’avait que peu de chance de s’en sortir, et pourtant, il voulait encore y croire… Un an. Une année entière s’est écoulé et il avait l’impression d’être mort de l’intérieur. Comme si on lui avait arraché une partie de lui-même, comme si ce poison qui coulait dans ses veines devenaient toxiques, mauvais. Culpabilité. S’il n’avait pas fait son emmerdeur, s’il ne lui avait pas demandé de venir ce soir là, pour un simple caprice, il fêterait noël avec elle cette année… Il refusait de la débrancher, et il refusait aussi de tourner la page. Pourtant, dans les deux cas, il le fallait… Mais déjà, il allait essayer de vivre, d’essayer de respirer de nouveau. Sohel a arrêté la boxe en compétition, et il a décroché un poste de professeur dans l’université de Harvard. Il entrainerait les sportifs. Il leur parlerait de ce monde où compétition, addiction et coup dans le dos régnaient en maitre… Et il tenterait de vivre, plutôt que de survivre dans ce monde qui semblait si vide sans elle… Il devait avancer, parce qu’ils se l’étaient juré. Si l’un tombait, l’autre resterait debout et n’abandonnerait jamais…

Never Back down.