▬ Attendre quoi Lucas ? Je n’étais même pas sure de revenir. Et t’envoyer un sms, c’est tellement facile de dire ça. Tu te serais levé, le matin et en regardant ton téléphone tu aurais vu « Salut c’est Jamie, j’suis en France, j’sais pas si je reviens, attends moi » et t’aurais fait quoi de plus, ou de moins hein ? Dis-moi Lucas, qu’est-ce que t’aurais fait à ma place ?

Cette réplique ne valait pas grand-chose, mais ça me calma malgré tout. Je ne sais même pas pour quelle raison. Ce que j’avais attendu, c’était juste un signe, un maudit petit signe qui m’aurait permis de me dire « elle va bien », ou alors juste « elle est en sécurité ». Juste ça. Elle devait s’en douter, il suffisait juste de se mettre un instant à la place de l’autre, et lorsque j’essayais de prendre la sienne comme elle vient de me le demander, je me dis que… juste une fois, j’aurais donné signe de vie. Nous étions tous les deux un peu lâches, j’imagine. Et elle, si je l’avais laissée, qu’aurait-elle fait, ici ?

▬ …

Je ne sais pas si elle attendait réellement une réponse, mais j’imagine qu’en fait, ce n’était pas le cas. En tout cas, j’essaye de visualiser à quel point Jamie a du se sentir prise au cou. On l’avait arrachée de chez elle… finalement, ce manque de nouvelles, était-ce par appréhension d’une réaction négative ou y avait-il autre chose ? Je ne comprends pas, je n’arrive pas, mais c’est bien tard pour ce genre de réflexions.

▬ C’est comme si tu me foutais dehors.

Eh bien quoi ? De toute manière, t’avais pas envie de rester ici, pas vrai ?
J’avais beau penser ça sur le moment, par pur réflexe défensif, ça me faisait mal au cœur de la voir aller chercher sa veste et surtout de ne pas faire quoi que ce soit pour la retenir. Je sais qu’elle était seule et emplie d’un sentiment de trahison, que je n’étais qu’un merdeux planté au milieu de la pièce qui aurait dû l’arrêter avant qu’elle sorte, mais je ne fis rien pour arranger la situation, dans l’immédiat.


▬ J’ai imaginé une vie avec toi Lucas. Je nous voyais bien ensembles pour la vie, c’est con je sais mais je nous voyais vivre dans une maison, ensembles, on aurait pu se fiancer, se marier, fonder une famille. On aurait pu vivre une parfaite histoire d’amour. On aurait pu faire plein de choses et même si on n’aurait pas été riches, on aurait été heureux, on aurait enfin connu le bonheur Lucas. Plus de larmes, plus de peines, des sourires et des bonjours qui égaillent ta journée. T’aurais su me combler, m’apporter ce que je recherchais Lucas. Je suis désolée d’être partie comme ça, je n’ai pas eu le choix, j’ai plus de famille, plus rien et j’ai plus personne à aimer maintenant. Excuses moi Lucas, dans l’histoire je suis fautive. Tu as gagné.

Cette soudaine intervention me bloqua complètement, et je focalisais à nouveau toute mon attention sur elle en sentant mon cœur se remettre à battre suffisamment fort pour que je m’en rende compte. Pourquoi elle me disait ça maintenant ?! D’instinct, je contournait l’angle du bar et me rapprochais un peu d’elle, mais mes pas s’arrêtèrent à environ 3 mètres de distance, précédant un échange de regard qui dura je ne sais pas combien de temps. J’avais cette impression d’avoir une vitre devant moi qui m’empêchait de toucher Rose, et vice versa. Tout ça pour des conneries… tout ce gâchis à cause du sexe. J’aurais fait n’importe quoi pour racheter notre relation, n’importe quoi. Même s’il s’agissait d’un meurtre. Mais ce n’était pas aussi simple. À quel point souffrait-elle à cet instant ? Avant de retourner dans son hôtel miteux et de vider le papier wc en guise de mouchoir ? À mon avis, j’en avais une idée parfaitement claire au vu de ma propre douleur. Nous ne pouvions plus nous approcher, plus pour le moment, alors qu’on s’était enfin retrouvés.

▬ C’est vraiment comme ça que ça doit se terminer… ? Je veux la même chose que toi, Rose. Un jour… j’espère qu’un jour tu me feras confiance. Et si ce jour-là arrive, je te demanderai de me dire oui.

T’es plus qu’une vie, je veux remplacer le vide qui s’est formé autour de toi... Oui. Elle m’avait empêché de mourir, et en échange j’ai essayé de lui donner toute l’attention que je pouvais. C’était stupide de parler de choses pareilles maintenant, cependant. Elle m’avait fait un discours au conditionnel, et moi j’avais essayé d’éviter ce temps-ci. Je n’y peux rien, c’est trop fort. Je n’ai pas envie d’abandonner pour une stupide histoire comme celle que nous avions vécue, mais pour le moment, je me contentais de soupirer et pencher un peu la tête vers le bas.

▬ Au revoir…

Fais attention, prends soin de toi, appelle-moi si tu as besoin de parler. Ne reste plus dans le silence, jamais, je t’en supplie.