22 ▬ 04 Avril 1990 ▬ Psychologie/Serveuse dans un petit restaurant ▬ Kappa

Quand on raconte son histoire, on est censé commencer par l'enfance. Expliquer qu'elle était géniale, qu'on était comblé, et qu'à tous les Noels, on avait le cadeau dont on rêvait. J'aimerais réellement pouvoir vous le raconter. Non, je vous assure, même Noel et tout ça. Mais je vous passerai ce chapitre terne de ma vie. A condition qu'il y en ait un qui mérite d'être raconté au final.
Bon, si vous insistez, je vais vous faire un court résumé.

Enfance = Mon père est parti quand j'avais 10 ans, en me regardant droit dans les yeux, criant à ma mère effondrée dans la chambre que c'était pas la peine qu'on le recherche, pendant que moi j'étais debout devant la porte, à me demander ce qu'il pouvait bien être en train de faire. Ma mère est devenue alcoolique et nous a complètement délaissés et c'est mon frère, Michael, 2 ans mon aîné, qui s'est occupé de moi. Mon confident, ma moitié, mon meilleur ami dans cette lourde épreuve. Nous passions tout notre temps ensemble, si bien que nous étions inséparables. J'aurai tout donné pour arrêter le temps. Il avait toujours la blague pour me faire rire et le mot qu'il fallait pour réconforter. Et puis, derrière ses sourires pour me réconforter, le chaos. Oui, c'est comme ça que je l'ai appelé quand on m'a annoncé qu'on l'avait retrouvé mort sur son lit, d'une overdose. Je n'ai pas très bien compris ce qui m'est arrivé ce jour là. Je n'ai pas pleuré, je n'ai pas hurlé. Du moins, extérieurement. Il était mon port d'attache, il était mon repère.
Vous voyez, je vous l'ai dit, rien de très joyeux.

Adolescence = C'est mon oncle et ma tante qui m'ont recueillie. Ils ont absolument tout fait pour que ma vie soit remplie de bonheur, de cadeaux, d'amis et tout le tralalala. Je n'ai pas eu à me plaindre car ce sont des gens vraiment extraordinaires, et ils se sont vraiment sacrifiés pour moi.
Mais au fond de moi, j'étais vide. Vide de devoir constater tous les matins en me levant dans cette superbe chambre aménagée pour moi que j'étais vide. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé de me redonner le sourire. Mais rien n'y faisait. J'ai passé toute ma scolarité à faire semblant de me faire des amis, et à sortir avec des garçons qui au fond, ne m'intéressaient absolument pas. Je savais que j'étais jolie, seul atout chez moi. Alors, j'en profitais à ma manière.

Départ = Je ne pouvais plus continuer à vivre chez eux alors que je ne le méritais pas. Je n'ai pas cherché à comprendre et j'ai attendu mes 18 ans pour me prendre un petit appartement. Ils ont vainement essayé de me retenir mais il fallait que je casse ce cadre familial qui me rappelait trop ma famille d'avant.
L'indépendance, c'est cool. La solitude : j'ai l'habitude. Et là, seule avec moi-même, j'ai dû apprendre à vivre comme une reclue. Les histoires sans lendemain, autant dire que je les ai enchaînées. L'amour ne me faisait pas envie, car au fond, je ne savais plus ce que c'était, à savoir si j'ai pu savoir un jour à quoi ça ressemblait. Bon nombre de garçons ont essayé de me faire changer d'avis. Aucun n'a encore reçu la médaille.

Changement = Ma vie vous parait bien noire comme cela n'est ce pas ? Pas un seul moment de bonheur à l'horizon. Pourtant, il faut dire que j'étais quelqu'un de tellement différente. Douce, gentille et serviable, une petite fille modèle.
Rebelle, insoumise et en conflit avec tout le monde, voilà ce que je suis devenue, ou ce que je suis tout court....
J'ai pu trouver un petit boulot dans un petit restaurant du quartier. La bas, les horaires sont plutôt flexibles et je me suis même fait une amie. Nora, oui, on s'appelle presque pareil, c'est un signe. Elle ne me pose pas de questions, et elle m'écoute. Elle connait bien mon caractère maintenant et sait quand ce n'est pas la peine d'insister. Et puis, avec elle, j'ai cherché pendant de très longues heures ce que je pourrais bien faire de ma vie. Et dans ma plus profonde noirceur, j'ai quand même trouvé la force de penser aux autres. Alors, je me suis dis qu'il fallait que je puisse servir à quelque chose.
C'est elle qui m'a conseillé de passer les tests d'admission.Et me voilà inscrite à la plus prestigieuse école de Cambridge. Ne me demandez pas non plus comment j'y suis entrée. Prise d'une certaine motivation (qui aura duré une semaine, j'ai bossé comme jamais je ne l'ai fait).
J'aurai pu voir cette entrée comme une nouvelle chance dans la vie. Pouvoir être regardée comme une fille normale, et non dépourvue de sentiments. Mon frère aurait certainement apprécié que je sois cette fille douce et gentille comme autrefois. Si seulement tu ne m'avais pas abandonné, peut être que tu serais là pour le voir.

Contradiction = Alors voilà plusieurs semaines que je suis des cours de psychologie et je dois admettre que l'école et moi, ça fait bien deux.

Besoin irrépréssif de pourrir la vie des autres, comme la mienne à été brisée ? Drôle de contradiction pour une étudiante qui est censée aider les autres dans leur malheur. Je sais bien que ma carapace est trop lourde pour mes petites épaules...mais elle me va si bien. Là-bas, tous les gens sont superficiels. Des confréries, des filles bien trop belles et superficielles qui jouent les pom pom girl dès qu'un gros bras les approche d'un peu trop près. Alors, fidèle à la réputation que je me suis forgée, les autres savent que si on s'y frotte, on s'y pique. Mais...

Elément perturbateur = Allez savoir pourquoi il est le seul à ne pas tenir compte et admettre cette théorie ?