CHAPITRE I
so i walked into the haze, « VIENS ICI, DÉPÊCHES-TOI BAYLEE ! » Le cri strident de mon père me rendait folle, m'effrayait. Recroquevillée sur mon lit du haut de mes huit ans, je serrais mes genoux contre ma poitrine en essayant de respirer calmement et surtout arrêter mes tremblements. Je ne pouvais ni crier ni même pleurer, j'attendais. J'attendais que mon père rentre dans ma chambre et passe ses nerfs sur moi, comme quasiment tous les soirs. Je ne connaissais pas la raison, enfin, tout ce qu'il me disait, c'est qu'il détestait mes yeux «
Bien trop bleus. Comme ta mère. Tout ça c'est de ta faute. ». Qu'est-ce que j'y pouvais moi ? J'entendais les pas de mon père sur le plancher, avant de voir la poignée s'abaisser, et là, je ne pus retenir mes larmes. Calvaire incessant, je n'espérais qu'une chose : mourir. Partir d'une façon ou d'une autre, pour aller n'importe où mais surtout loin de tout ça. Fuguer m'était impossible, j'avais eu le malheur de le faire une seule fois, et ça m'avait servi de leçon. J'avais enduré ça jusqu'à mes dix ans environ, avant que ma mère ne décide d'apparaître en plein milieu de ma vie. Pourquoi maintenant ? J'en savais strictement rien, mais je ne cherchais pas à comprendre, je ne lui en voulais même pas de m'avoir laissée avec mon père, je ne voulais pas passer ma vie dans la rancœur.
Je n'ai pas appris à connaître ma mère par la suite, elle est venue me chercher en Grèce, et nous sommes venues nous installer en Angleterre. J'avais un endroit où dormir, je mangeais, je grandissais et me reconstruisais comme je le pouvais surtout, mais les quelques cicatrices que j'avais sur mon corps ne m'aidaient pas réellement. Il m'aura fallu deux ans pour apprendre à reparler, à sourire, à vivre. Bien sûr, je n'ai pas oublié mon histoire en Grèce, mais je me contentais de ne pas y penser et surtout de ne pas en parler. J'avais même réussi à me faire des amis. Je parlais très peu, je n'accordais pas ma confiance mais je n'étais plus seule, c'est tout ce dont j'avais besoin, savoir qu'il y avait du monde à mes côtés. Une période calme dans ma vie. Je n'avais pas de dialogue avec ma mère, et c'est peut-être à cause de ça que après, j'ai doucement sombré. Peut-être pas, je sais pas tellement, peut-être que je l'ai cherchée cette autodestruction.
CHAPITRE II
now the waves they drag you down, carry you to broken ground. Vers mes seize ans, rien n'allait plus. Je ne dormais quasiment pas, ou le peu de fois où j'arrivais à m'endormir je me réveillais en hurlant dans mon lit, en me tordant de douleur. Des cauchemars qui oppressaient mon quotidien, des douleurs éphémères, le passé qui refait surface. Je devenais folle, me renfermant à nouveau quitte à devenir agressive et froide, redevenir la petite fille grecque.
« Shea, parle-moi mon ange... » J'entendais ma mère, elle qui ne se préoccupait pas tant de moi qui venait de m'appeler "mon ange" ? Je devais être dans un sale état : teint blafard, yeux plus foncés qu'à l'habitude et rougis, je ne vivais plus, hantée par mes pensées et surtout mon passé, j'étais au fond du seau.
Dix-huit ans. Les "crises" comme je les appelles, s'espacent : faut dire que je faisais tout pour les oublier, en commençant par boire et fumer principalement. J'étais dans une école de dessin depuis trois ans, mais cette année fut la pire de toutes pour moi. J'avais perdu la motivation, j'attendais plus rien de la vie, je m'atomisais le cerveau a longueur de journée pour essayer d'oublier tout ce que je peux ressentir, que ce soit du bon ou du mauvais. Le dialogue avec ma mère est plus que rompu, mais elle me laisse encore habiter sous son toit. Moi qui ne voulait pas éprouver de rancoeur ou quoi que ce soit qui s'y approche, c'est totalement raté. Comme moi. Je lui en veux de m'avoir laissé plantée en Grèce avec un père qui me battait, venir me chercher après dix ans d'absence. Elle aurait mieux fait de m'y laisser là-bas, j'en aurais fini bien plus vite je pense.
CHAPITRE III
leave the horror here, forget the horror here,Et puis on arrive à dix-neuf ans et un nouveau changement. Une rencontre surtout, qui fait tout basculer. Le bonheur à portée de main, la confiance retrouvée. Sacha. Cinq lettres qui représentent ma survie et tout ce que j'ai maintenant. Y'a pas d'histoire à raconter, je saurais pas vous dire comment on s'est rencontrés vraiment, comment on a fait connaissance. Spontané. Le coup de foudre ? Je sais pas si on peut appeler ça comme ça, mais ça doit y ressembler, oui. Il m'a sorti de la drogue, restant des nuits entières à mes côtés quand j'avais une sorte de crise d'angoisse. Il est le seul à savoir que j'ai été battue dans mon enfance, je raconte en général que gamine j'étais cascadeuse, mais ce speech a pas marché avec lui. Il m'as faite craquer. Mais je trouve tout ça malsain avec le recul. Bien sûr, je suis folle de lui et c'est bien ça le problème, je sais que si il part je ne serais plus rien. Ça fait très passionné et cliché de dire ça, j'en suis consciente mais... Je peux pas vous expliquer ce que je ressens. Sacha, j'ai juste besoin de lui, comme il a besoin de moi.
CHAPITRE IV
it's future rust and then it´s future dust,Mais comme dans n’importe quel tour de magie, à un moment on arrive à trouver la faille, le point sensible. Comme une fuite d’eau, vous savez ? Au début on se dit, c’est rien, j’appelle le plombier la semaine prochaine et c’est fini. Notre fuite à nous, elle a pas attendu le plombier, ça a explosé comme sans, sans préavis. L’innondation et le débordement de sentiments, l’oppression de cet amour qui était, comme dans quasiment tous les couples, plus porté d’un côté que de l’autre. Je ne sais pas si c’était de la lassitude de mon côté, ou trop d’attentes du sien mais je n’en pouvais plus. Il m’oppressait et j’avais l’impression de revivre avec mon père. Je voulais pas de lui pour me rappeller de mon passé, je vivais avec et c’était assez dur comme ça. Alors je suis partie. Le plombier pouvait arriver, que toutes les canalisations étaient changés, encore plus étanches que les anciennes. Bien sûr que ça a été dur, il m’a fallu des mois pour me «reconstruire», rongée par les regrets, les appels auquels je n’osais désormais plus répondre, retenir l’envie de frapper à sa porte pour me perdre dans ses bras et lui dire que j’étais désolée mais par dessus tout, que j’avais besoin de lui. Retour de mes crises dans la même période, je me retrouvais à nouveau au fond du seau et je n’avais plus personne à mes côtés mais je l’avais cherché.
CHAPITRE V
“i’m officially off the rails. you should try it.”Alors j’errais dans les salles de danse, dans les ruelles sombres et vides au coeur de la nuit, la peur de m’endormir au ventre. J’attendais de tomber d’épuisement presque pour me persuader que cette nuit je n’allais pas faire un cauchemar, que je n’allais pas hurler dans mon appartement vide, le corps tétanisé et le souffle coupé. Puis j’ai trouvé ce qui me manquait. Ou plutôt retrouvé. Fumer des spliffs à n’importe quelle heure de la journée, prendre de la coke à la place de la vitamine C ou d’un café au petit déjeuner, voila à quoi j’en étais réduite pour dormir et essayer d’oublier un petit peu. J’avais l’horrible sentiment de rejouer mon passé mais je ne luttais pas contre. J’avais plus l’envie de me battre, j’en avais assez bavé comme ça alors maintenant je laisse aller, passant d’une excellente humeur à l’envie de me laisser crever au fond de mon lit. J’ai jamais dit que j’étais une fille facile à comprendre ou même à vivre. Vous êtes avisés mes amours.