Un bon matin froid de décembre en 2000, je me lève encore pour entamer une longue et pénible journée d’école sous les regards furtifs des autres jeunes de mon âge. Comme à chaque matin, je me lève avec une tronche digne d’une actrice d’un film d’horreur – avec des bleus un peu partout et des poches en dessous des yeux qui descendent jusqu’aux joues. Je me regarde dans le miroir, je souris un peu en écoutant le silence régner de l’autre côté de la porte de ma chambre. C’est un matin diffèrent, mes parents adoptifs, violents et irresponsable ne m’attendent pas en bas pour me chanter une poignée de bêtises et me menacer de me frapper si je ne lève pas les yeux sur eux. C’est un matin plutôt heureux, c’est le premier matin d’une nouvelle vie.

Habituellement après l’école, je rentre à la maison… Mais cette fois-là, je marche en direction inverse. Je marche, sans vraiment trop savoir où aller, je marche sans savoir quand je vais m’arrêter mais je sais une chose, je marche pour ma liberté. C’est rare qu’une fille de 13 ans ait à fuguer de sa maison d’accueil pour retrouver le peu de bonheur qu’elle mérite d’avoir dans sa vie. Ce n’est pas souhaitable a aucune adolescente de mon âge, mais c’est la bonne chose à faire et je suis consciente que ce ne seras pas du tout une partie de plaisir. Il faut voir les choses du bon côté parfois, je n’ai peut-être pas eu d’éducation pas mes parents, ni mes parents adoptifs, mais j’ai dû me forcer à m’éduquer moi-même pour pouvoir survivre a tout cela. Cela à créer une grande responsabilité en moi et m’a permis d’organiser un plan d’attaque complet pour ma fugue et des portes de sorties efficaces.

« Bonsoir Madame, je voudrais savoir s’il y a encore de la place pour dormir chez vous le temps d’une soirée s’il-vous plait… » 1 minute passe sans réponse. « Et si ce n’est pas indiscret, vous n’auriez pas le nom de Carlie Johnson dans votre liste ? » avais-je demandé avec l’espoir que le destin m’est envoyé ici pour une raison. Evidemment, la réponse fut négative.

« Oui c’est possible, ça nous feras plaisir de vous accueillir mademoiselle. Veuillez-vous assoir […] »

Des maisons d’aide aux personnes comme moi, sans domicile fixe et sans argent sont très nombreuses dans le coin, mais peu populaire. C’est mon enseignant de musique qui m’a référé à ces endroits, pour m’aider. J'ai dû signer des tonnes de papiers à remplir que pour une seule nuit…

[...]

J’ai passé deux semaines par maisons, pendant six mois. Si on fait le calcul, j’ai pas mal fait le tour de toutes les maisons proches de la ville… Oui ça peut parraître impossible, mais je l'ai fait. Je me suis débrouillée pendant une demi-année, de maisons en maisons. Les propriétaires ne pouvaient pas me garder plus de deux semaines, ils devaient me laisser partir pour libérer de la place… De plus, je leur portais souvent problème ; je rentrais après le couvre-feu, je consommais dans leur propriété, j’ai volé de l’argent… bref, je me suis fait souvent mettre dehors pour mes comportements délinquants. Et puis, j’ai été adopté par les meilleurs parents sur terre. Ils me traitent comme leur propre fille et m’aident à traverser par-dessus les plus dures épreuves. Je leur dois tout ! Mais ça ce n’est qu’une petite partie de ma vie, c’est en majeur partie le cheminement que j’ai fait pour me rendre jusqu’ici. Parfois je me demande encore comment une fille comme moi a été capable de devenir la fille que je suis maintenant ? Il y en eu des plus durs et des plus faciles, il y a eu des moments mémorables comme d’autres dont j’aimerais oublier. Et puis il y a eu la drogue et la musique… Il y a eu ce mec qui a essayé de profiter de moi. Il y a eu ces centaine de personnes qui m’ont posé des questions sur mon passé et sur ma petite personne pour me connaitre et qui n’ont jamais eu aucune réponse. Il y a certaine chose que je m’efforce d’oublier, mais le passé refait toujours surface ; il s’agit seulement de le surmonter.