Dimanche 7 août 2011. Hôpital Bellevue. New-York.

« bien monsieur Jenkins, vous savez pourquoi vous êtes là aujourd'hui n'est-ce pas ?

_ évidemment.

_ alors nous pouvons commencer. »

J'avais hoché la tête, complètement indifférent à la scène qui allait se jouer dans cette pièce. Je connaissais déjà l'issue de cette conversation, j'y travaillais depuis plusieurs mois, il était impossible que j'échoue. Mon plan était trop bien rodé, j'avais répété mon discours des centaines de fois dans ma tête, j'allais réussir, c'était évident. Je levai les yeux vers mon interlocuteur, faisant mine de m'intéresser à ses paroles. Il était entrain de m'expliquer ce qui se passerait si j'étais déclaré apte à sortir.

« ..et donc vous serez obligés de vous présenter à l'hôpital au moins une fois par mois, pour que l'on puisse suivre votre progression vous voyez ..? Il ne faudrait pas que vous replongiez, n'est-ce pas ..? »

Une esquisse de sourire vint étirer mes lèvres, j'arrivais presque à voir la peur dans les yeux de ce pauvre médecin. Ah s'il savait qu'ils avaient tous été leurrés depuis le départ, ils s'en mordraient les doigts. Mais il ne sait pas, personne ici ne sait. J'ai gardé mon secret bien profondément en moi, je travaillais sur ce projet depuis qu'on m'avait envoyé ici. Aujourd'hui était le grand jour, aujourd'hui je mettrai enfin les pieds hors de cet "hôpital". Après avoir passé 9 ans enfermé, j'allais enfin pouvoir gouter à la liberté.

Faut dire que je n'suis pas vraiment arrivé ici par hasard. Bien au contraire. Et si je revendique toujours mes actes aujourd'hui, j'ai appris à les taire, puisque le silence et le regret font partie des critères qui m'aideront à me tirer d'ici.

« bien, est-ce que vous voulez bien me parler de ce qui vous a amené il y a 9 ans ?

_ c'est simple, j'ai assassiné mon jumeau.

_ pourquoi ?

_ la jalousie sûrement.

_ est-ce que vous regrettez ?

_ plus que n'importe quoi d'autre. »

Premier mensonge, les dés étaient lancés et à présent le jeu pouvait débuter. Si je regrettai d'avoir mit fin aux jours de cet imbécile d'Eliaz ? Plutôt crever que de ressentir ne serait-ce qu'une once de regret envers cette ordure. J'aurai pu naître dans une famille aimante, mais ça n'a pas été le cas, tout aurait sûrement été différent si ma crétine de mère n'avait pas crevé en me mettant au monde. Si lors de mes premières années j'avais ressenti un profond sentiment de culpabilité ce dernier s'était estompé au fil du temps pour laisser plage à une rage folle, peut-être suis-je fou au fond, ou peut-être pas. Une chose est sûre, c'est que je ne regrette pas ce qui s'est passé le soir de mes 14 ans.

Je réprime un sourire carnassier, il ne s'agirait pas de me faire prendre maintenant. Ca a été simple, rapide, une balle entre les deux yeux. Me procurer une arme n'avait pas été bien difficile, au contraire. Je l'avais abattu de sang froid, ce jumeau, ce frère, cette personne partageant les mêmes gênes et le même sang que moi. Ce type que je haïssais par dessus tout. Je n'avais pas mit plus d'une heure avant d'aller me rendre à la police. Pas que je regrettais, j'assumais mon geste, mais, je voulais que le monde entier sache à quel point il me dégoûtait, à quel point tout le monde irait mieux maintenant que la vie l'avait quitté.

Il m'avait tout prit ce con. L'amour de mon père en premier. Ce dernier m'a toujours détesté, à ses yeux je lui avais prit la femme qu'il aimait. A ses yeux je ne méritais pas de vivre. Eliaz a toujours tout eu, tandis que je devais me contenter des restes. Si j'en suis arrivé là c'est de sa faute, il a pourri mon enfance toute entière. Il n'a eu que ce qu'il méritait au fond. Etant mineur j'ai été placé dans cet hôpital de malheur. Face aux juges j'avais simulé la culpabilité, le regret, même si au fond je ressens toujours la même fierté, en 9 années les sentiments ne se sont pas effacés.

« bien monsieur Jenkins, vos résultats aux derniers tests ont été plutôt satisfaisants et dans le cadre de son programme de réinsertion, et de vos résultats plus qu'honorables, l'université d'Harvard vous propose une place en tant qu'étudiant dès le mois prochain. l'acceptez-vous ?

_ j'en serai très honoré.

_ bien. bien .. je suppose que vos affaires sont prêtes ?

_ oui docteur.

_ très bien, vous pouvez y aller alors. je vous souhaite une bonne route. »

C'est ça, au plaisir de ne jamais vous revoir docteur. En 9 ans, j'ai appris à développer certaines aptitudes, comme celle de ne jamais révéler mes sentiments à autrui, ah s'ils savaient qui ils remmetaient réellement en liberté, ils y auraient réfléchit à deux fois, mais le truc c'est qu'ils ne savent pas, dommage pour eux, tant mieux pour moi !

Mercredi 4 janvier 2012. Un appartement, Cambridge.

La liberté, c'est si bon, si parfait ! Je n'aime pas Harvard, les étudiants de là bas sont tous des gamins sans cervelle. Je prends d'ailleurs un malin plaisir à les tourmenter, tous autant qu'ils sont. Ca me distrait, au moins c'est toujours ça de prit. Ca me fait rire toutes ces filles qui se pavanent devant moi dans l'espoir de m'avoir dans leur lit, je leur laisse souvent croire qu'elles ont une chance, elles imaginent tenir les rênes, mais elles se trompent, se mettent le doigt dans l'oeil si profondément qu'il vaut mieux qu'elles ne découvrent jamais la vérité.