❝ Cher journal. Je ne sais pas vraiment si je suis capable d'aligner des mots sans que cela ne manque trop de sens. Pour être sincère, je sais même pas pourquoi j'ai voulu faire ça, pourquoi j'ai écouté ma psychologue. C'est elle qui m'a conseillé d'écrire. Je ne vois pas vraiment ce que cela pourra changer. Ma vie est un désastre, est-ce que de l'encre étalée sur du papier pourra y changer quelque chose ? Je n'ai jamais vraiment cru au pouvoir des mots. En fait, maintenant que j'y pense, je n'ai jamais vraiment cru en rien... Je n'ai peut-être même jamais cru en moi, là est sûrement mon problème. ❞

❝ À toi, ma soeur. ❞

Bouches toi les oreilles. Bouches toi les oreilles fort fort fort, encore plus fort ! Tu entends comme je t'aime ? Toi, ma soeur. Mon inséparable. Mon sang, mon moteur. Petite, tu étais ma protégée mais aussi mon acolyte. Tu t'en rappelle de nos quatre cents coups à faire rager maman ? Tu ne m'as jamais quitté, et tu ne m'as jamais déçue. Oh et puis, ils étaient bien trop absents pour s'occuper de nous nos parents alors moi je me suis occupée de toi. Ma petite soeurette. Ma meilleure amie, mon amour. Tu te souviens, de la belle époque ? Quand on était que des bébés gazouillant, que notre mère nous donnait le biberon pendant que notre père lui était au travail, ou je ne sais où. Je me demande aussi comment j'aurais fait sans toi. Sans nos fous rires incessants le soir dans mon grand lit. Sans nos bonbons volés chez le boulanger. Car même si matériellement nous ne manquions de rien, nous avions toujours eu besoin de nous évader, de sortir un peu de notre bulle dorée, de voler de nos propres ailes. Nous étions simplement le parfait duo. La belle et la bête. Le prince et sa princesse. C'est bête, mais quand on était gosses, j'ai toujours pensé que rien ne pourrait nous arriver, que nous étions invincibles et même inséparable. Mais le temps nous a fait grandit, mûrir même. Et là, nos chemins se sont divisés. Tu es là, un peu partout en moi évidemment. Il n'est pas rare encore aujourd'hui que je lève les yeux au ciel pour t'adresser la parole en pensant qu'à l'autre du bout du monde, tu regarde le ciel en pensant à moi. Il n'est pas rare aussi que lorsque je rigole, je me retourne pour voir si toi aussi tu en ris. Et même si tu ne réponds pas, j'arrive toujours à imaginer quelles seraient tes réponses. J'arrive toujours à imaginer ton sourire, ou ta voix si douce. Et tu sais, à chaque fois qu'il neige, c'est à toi que je pense. C'est toi que je vois dans chacun des flocons. Je te vois tournoyer comme une folle autour de notre bonhomme de neige, pour finalement t'écraser sur ce tapis de coton qui recouvre le sol. Comme tu le faisais si souvent lorsque nous étions gosses. Et puis il y a eu la France. Vous êtes partis, direction la côte d'Azur pour que maman puisse mener à bien sa formation sauf que moi, je n'ai pas embarqué à vos côtés. Moi, j'ai attendu votre retour presque chaque jour derrière la porte d'entrée. Je ne suis jamais venu vous voir dans ce pays d'adoption, et tu m'en as voulu mais le destin a fait qu'à ton retour tu sois victime de ce malaise. De ta maladie, de cette anorexie. D'ailleurs nos parents n'avaient vu que du feu de ta perte de poids, de ton visage fatigué et de ton moral en baisse, bandes d'ignares. T’es désolé ? À ouais, ça change tout ! Nous nous sommes retrouvés, et je t'ai aidé comme j'ai pu. J'ai fait tout ce qui était en mon possible pour subvenir à tes besoins, chose que les parents n'ont jamais su faire. Puis je suis parti, je me suis engagé tout en te faisant la promesse de te revenir à la fin de mon contrat. Toi en échange, tu m'as fait la promesse de veiller sur ta santé. La règle du jeu était de ne rien changer, et ce que l’on pouvait appeler taquinerie lorsqu’on était gamin devait à présent s’appeler perversion. Je suis à quelques jours de mon retour définitif à Cambridge et évidemment, tu n'en sais rien puisque la surprise sera de taille lorsque je viendrais fêter noël à tes côtés. Je t'aime ma soeur

❝ À toi, la seule. ❞

- Tu m’attendras ?
- C’est un gage ?
- Non.
- Tu verras bien alors.

( ... ) De l'amour à l'amitié, il n'y a qu'un pas. Un pas qui défie les lois de la physique. Mais entre nous cela dure depuis toujours, depuis des années en réalité. On m'a conseillé d'écrire, d'écrire tout ce que je ne parviens à te dire. Alors me voilà, je griffonne le papier. A l'heure qu'il est, je suis bien loin de toi et toi j'ignore ce que tu fais. Nous ne sommes pas ensemble, nous ne l'avons jamais été d'ailleurs. Du sexe, rien que du sexe entre nous. Un attachement physique mais qui cache quelque chose de bien plus profond seulement nos fiertés respectives nous privent de confidences. La vérité , c'est que tout cela me détruit. Je suis parti il y a maintenant trois ans, je me suis engagé et là tu t'es décidée. ❝ Je t'aime ❞ , ces mots sont enfin sortis. Juste avant mon départ. Cependant, moi je n'ai pas craqué et je suis parti en te laissant dans l'idée que pour moi, tout cela n'était qu'un jeu .. que tout cela ne se basait que sur le sexe. Je t'aime aussi et je crève d'envie de le dire mais ce n'est pourtant pas si facile, pas pour moi. Les démonstrations d'amour et le monde des bisounours, ça n'a jamais été pour moi. Il faut dire que je n'ai jamais eu d'exemple concret à la maison alors j'ignore comment on aime enfaite. Je suis désolé, mais je sais pas. Evidemment durant ces trois longues années, nous nous sommes écrit et nous nous sommes revus également durant mes permissions. Mais à chaque fois, c'est le même jeu qui recommence. On intimide l'autre, on le provoque et on joue. Mais aujourd'hui que je suis à l'aube de revenir à Cambridge, qu'en sera t-il de notre relation ? Le problème, c’est que même si tu m’disais « je t’adore » j’te croirais pas ! Je sais plus quand tu joues et quand tu joues pas. J’suis perdu... Attends deux secondes, j’ai pas fini... Dis-moi qu’tu m’aimes... Dis-moi juste que tu m’aimes. Parce que moi j’oserai jamais te l’dire en premier, j’aurais trop peur que tu crois qu’c’est un jeu...