Dans le fond j’avais toujours eu ce sentiment de solitude. Cette impression de vide. J’y ai jamais vraiment réfléchi je croyais que c’était en chacun de nous. Après tout on a tous un petit pincement au cœur qu’on soit les personnes les plus heureuses au monde ou non. J’avais appris à vivre avec. Je m’en sortais plutôt pas mal. Ne sachant rien je n’avais pas à me poser des questions de toute manière. Mais il y a eu ce soir. Cette photo. Un bébé. D’abord je l’ai juste prise entre mes deux doigts, l’ai observé. Peut-être un peu trop longtemps. J’aurai pu hausser les épaules. Chose que je n’ai pas faite. Et sans regret. Ce regard. Les paupières à peine ouverte me rappelaient les miennes, bébé. Je dois avouer que sur le coup j’n’ai pas voulu comprendre. J’ai fermé les yeux et me suis dit que ça devait être une simple cousine, une naissance qui m’importait peu. J’ai reposé la photographie où je l’ai trouvé puis je suis parti, l’air de rien. J’ai croisé maman. Je lui ai souri, à nouveau l’air de rien. Je me rappelle son interrogation sur le visage, comme çi elle avait fait le lien avec le coup d’œil que j’avais jeté derrière moi, sur le bureau où trônait le portrait, quand elle m'a aperçu. Et ne sachant pourquoi. Après avoir marché qu’une petite minute, j’avais fait le chemin du retour. M’étais retrouvé dans le salon.

Au tout début je la regarde, sans rien dire, de haut en bas, pas d’une façon impoli ou de supériorité fasse à l’erreur qu’elle allait m’avouer, juste curieux. Je scrute son visage, histoire de retrouver une ressemblance vraiment frappante sur ses traits et ceux du poupin sur la photo. Toujours ce regard, le mien, le sien, le nôtre. Elle est au téléphone, je passe outre. D’un geste plutôt brusque je le lui retire, je raccroche, sans explication. Ce n’est pas ça le plus important à ce moment précis de toute manière. Elle s’assoit, je la suis et me pose à ses côtés, toujours sans prononcer un mot. Silencieux. Au passage j’avais pu choper la photographie, je lui la tends, un peu d’une façon pour la forcer à la prendre et la regarder, comme çi j’attends que ses traits se tirent de culpabilité. Ce qui n’arrive pas. A ce moment précis je veux lui hurler dessus. Presque avec l'envie de lui cracher au visage les pires merde à sortir à sa mamá. Pourtant je me retiens. Je serre les poings et continue de patienter. Enfin elle ouvre la bouche. D’abord elle murmure, je comprends la moitié de ce qu’elle me dit, l’oblige à répéter mais la seule chose qui parvint à mon oreille c’est « Ta sœur. Ta sœur. » En boucle ça tourne dans mon esprit. Quelle sœur ?

Une grosse blague ! Voilà ce que c’était. Je mettais mis à rire, jaune, même avec ironie. J’espérais vraiment que sans était une, j’aurai mis certes un peu de temps à la digérer mais au moins ça aurait pas remis toute mon enfance en question. A 23 ans on me sort que je ne suis pas le précieux fils unique de la famille mais que je suis celui qui a eu le plus de chance. Et en y réfléchissant bien ci je n’étais pas l’ainé, c’est moi qui aurait viré.

Je traîne des pieds. Je suis fatigué. Je me retrouve dans un putain d’endroit où je ne parle même pas parfaitement la langue. Je ne connais personne. Je suis seul. Et ça me fait royalement chier. Je pousse d’innombrable soupir, de plus en plus agaçant pour tous ses crétins qui ne savent pas grand-chose pour ne pas dire, rien sur ma soeur depuis le départ. Que ce soit mamá ou ce service d'adoption. J’arrive encore mentalement être un minimum sympathique envers eux, je m’étonne moi-même. Je sers les dents, continue mon chemin jusqu’à cette baraque. Sans trop y être invité je rentre dedans, un peu comme çi j’étais chez moi, de toute manière j’avais prévenu de ma visite, en oubliant simplement de dire à quelle heure je débarquais. Ça leur fera une belle surprise. Je les aperçois dans leur salon. Un couple d’une quarantaine d’année. Les Sheppard. Je prends le temps de les reluquer, prêtant peu attention à l’aspect bourgeois de leur intérieur, qui leur va d'ailleurs si bien. Leur tête ne me revient pas vraiment. Je fais abstraction de ça et toussote avertissant enfin de ma présence. En deux, trois mots j’explique qui je suis et ce que je fais là. « Louna ? Enfin ta sœur, on ne sait pas où elle est. » Qu’il me sort le type. Je le regarde me demandant s’il le fait exprès ou s’il est vraiment un peu con sur les bords. J’avance vers lui, pas menaçant. J’hausse un sourcil « Pardon ? » enchainant aussitôt déjà lassé. « Vous ne savez pas où est votre gosse ? » A la tête qu’il tire juste ensuite je me pince l’arête du nez et me retiens méchamment pour ne pas lui mettre une légère baffe sur la tête. Les services sociaux font tellement mal leur boulot.

Ca faisait un an. 365 jours que j’avais passé à la cherché, en vain. Puis j’ai arrêté. Du jour au lendemain je me suis posé et ai enfin haussé ses foutus épaules. A quoi bon chercher. La première fois n’avait été qu’un hasard, pourquoi pas la deuxième aussi ? Faut juste quelques petits coups de pouce. Harvard est le premier, étude de droit. Appartenir au Bêta est le second. Les deux sont obtenus.

zoé parlez nous de vous brièvement: 20 ans ; beaucoup et peu de choses à la fois (a) ; les weekends surtout ; bon - tout dépend ; tobias sorensen ; code validé par Aly .