*Bonjour Luann. Je t'écris, encore une fois … comme si je t'intéressais encore. Pourtant je ne perds pas espoir, qui sait, un jour peut-être, tu liras toutes mes lettres. Quoiqu'il en soit, je … voulais te dire que tu me manques. Chaque jour un peu plus et étrangement bien plus que je n'aurais su l'imaginer. Sans cesse je pense à toi et je dois dire que le temps est long sans voir ton visage …* Une larme coulait de mon œil, achevant doucement sa course sur le papier blanc qui supportait mon stylo. Une perte de temps, voilà ce que c'était. Plus d'une vingtaine de lettres sans réponses alors pourquoi celle-ci changerait quelque chose ? … Elle avait clairement tourné la page, probablement. Certainement même. La culpabilité ne faisait qu'augmenter de jours en jours, au moins autant que l'état de maman ne se dégradait. Passer à autre chose ? Absolument impossible. Je croyais fortement en l'âme-soeur et elle avait toujours été la mienne. La femme de ma vie même si je n'étais probablement pas l'homme de la sienne. Lentement, les mots me revinrent en mémoire. Alors j'écrivais, j'écrivais, puisque je ne pouvais faire que cela. *J'aimerais tellement te serrer dans mes bras. Être profondément et sincèrement désolé, et … crois-moi que je le suis. Les kilomètres qui nous séparent ne me font rien. Ce qui m'attriste le plus, le fait que tu ne répondes pas. Certainement occupé avec un autre homme … Certainement ailleurs. Si ça se trouve, tu as déménagé et des inconnus rient en lisant mes lettres, qui sait. Soit, tant pis. Je continuerais de t'écrire malgré tout, malgré nous, malgré que tu me détestes.* Et je pris la décision de chaque jour lui écrire. A partir de cette lettre, ma vie s'articula autour de cette demoiselle, ma demoiselle, celle que j'aime. Beaucoup de lettres suivirent. Plus encore, elle devenait ma confidente sans le savoir. En effet, certaines n'étaient jamais envoyées. Au fur et à mesure que les mois passaient, les semaines, les jours et les heures, je comprenais que jamais elle ne répondrait et que ce n'était que de l'argent gâché que de lui envoyer tout cela. Argent gâché dont j'avais besoin, ma mère étant décédée peu après notre départ vers la Chine. Je ne vivais pas seul mais fut confié à un couple qui n'avait pas tellement d'argent, donc j'avais à peine seize ans que je devais travailler pour les aider. Quelques petits boulots ici et là, boulots qui ne nécessitaient pas en soit beaucoup d'apprentissage de la langue ce que je n'avais de toute façon, pas le temps de faire. Le temps passait, les lettres s'entassaient, toutes précieusement rangées au fond d'un tiroir. Elle me manquait chaque jour un peu plus. Et le peu d'amis que je m'étais fait en Asie ne me comprenaient pas. Ils me trouvaient stupide de m'attacher à ce point à quelqu'un que je ne reverrais plus, me trouvaient stupide de l'aimer éperdument au point d'être dépressif tellement elle me manquait. Donc, j'ai arrêté de lui écrire. Arrêté de penser à elle … non, de parler d'elle simplement. Ils n'entendaient plus son prénom et pensaient bêtement que je guérissais petit à petit. Mais ils se trompaient, ils se montraient aveugles. Au final, un ami, qu'était-ce ? Quelqu'un qui pensait te connaître, qui pensait savoir ce qui te rendrait heureux … Mais quelqu'un qui se montrait incroyablement égoïste. Qui ne s'arrêtait qu'aux détails, qu'à un simple ' je vais bien ' sortit pourtant peu convaincant. Un mensonge. Un seul mensonge répété plusieurs fois. Une connerie mais tout le monde en sourit. Qu'importe … Luann.

« Je veux rentrer à la maison. » déclarais-je froidement à ceux qui me gardaient depuis la mort de ma mère. Eux, ils ne savaient pas. Ils ne connaissaient pas Luann. Ni notre relation quelque peu … désastreuse. Alors, ils ne comprenaient pas. Mais ces gens n'étaient pas méchants et ne m'en tinrent pas rigueur. Même s'ils me manqueraient probablement, je devais absolument quitter ce pays de malheur pour rentrer chez moi. Pour elle, pour nous, si toutefois il y avait encore quelque chose à arranger. Si elle y vivait encore, si … si elle n'avait personne. Le fait qu'elle ne réponde jamais me laissa certes penser qu'elle voyait quelqu'un et m'avait oublié mais tant pis. Si c'était le cas, alors je la récupérerais. Ou … non je n'avais pas le droit de penser ainsi. Seul le bonheur de Luann m'importait, que ce soit avec moi ou quelqu'un d'autre. Même si l'hypothèse de l'imaginer dans les bras d'un autre homme m'attristait et me rendait affreusement jaloux … je ferais avec. Me perdant un peu dans mes pensées, je les avais déjà oubliés, je repris alors, sérieux mais avec le regard brillant. « J'ai déjà regardé les horaires d'avion et j'ai un peu d'argent de côté … j'pense pas revenir un jour, même si vous avez été géniaux avec moi depuis que maman n'est plus là ... » Impossible de retenir une larme et c'était le cas à chaque fois que je parlais d'elle, bien que cela faisait déjà trois ans qu'elle n'était plus là … Je brandissais ensuite la lettre d'acceptation d'une grande université, Harvard pour des études de psychologie, ce qui m'avait toujours tenté déjà en étant plus jeune. Cursus qui était mon plan de secours et que je suivrais en parallèle à ma passion ; le mannequina. Maman ne s'était jamais opposé à mon souhait de devenir mannequin à condition que je prépare autre chose au cas où ça ne fonctionnait pas, ce domaine là étant tout aussi aléatoire que la chanson ou les arts en général … Je ne leur avais rien dit de tout ça, ils en furent plus que surpris. Mais encore une fois, conciliants. Lui m'enlaçait, Elle avait les larmes aux yeux de voir que je devenais autonome et indépendant. Papa, me voilà.

*Cela fait deux ans maintenant que je vis avec papa et tout se passe très bien. Il a changé, il est sympa avec moi, lui et sa blonde … Enfin. Je suis actuellement mes études de psychologie comme promis même si je commence à me faire un peu d'argent en tant que mannequin. Pour ce qui est de Luann … oui Luann, je l'aime toujours. Mais je n'ai pas encore eu le courage d'aller la voir. C'est bête, n'est-ce pas … J'ai simplement peur qu'elle me rejette, je crois que je ne supporterais pas. Toi aussi tu me manques tu sais. Je pense souvent à toi. Toujours même. Mais je crois que tu serais fière … tu sais. J'ai beaucoup évolué. Je vais mieux. Puis, je vais aller la revoir. Je vais prendre mon courage à deux mains. Je t'aime, maman. ♥*