A la lueur d'une ampoule tressautante, mes yeux brillent de mille feux. Je la regarde. Elle, son sourire, la flamme pétillante dans ses yeux malicieux. La clarté de la lune à travers la vitre givré colore la moitié de son visage d'une douce et froide teinte bleue que je n'ai vu que trop souvent sur ce même visage. Un grand sourire élargit mes lèvres, dévoilant des dents qui ont tout juste fini de pousser, quand l'ampoule décide finalement de passer l'arme à gauche. Inspiration surprise, léger sursaut, c'est pourtant son rire qui surgit en premier dans ce silence complice entre nous. Ma main rencontre la fine pellicule glacée sur la fenêtre, où je frotte avec insistance, dans l'espoir que quelques de ces mille cristaux glacés disparaissent au contact de ma paume. Sa main rejoint la mienne, imitant mes mouvements, jusqu'à ce que transparence soit faite. Nos visages d'enfants s'approchent de cette issue, contemplant avec malice le paysage endormi sous son manteau de neige.
Mes yeux, quant à eux se lèvent vers la cime aux milles étoiles, ou la lueur blafarde d'une pleine lune caresse ce somptueux tableau :

« Tu as vu Harley ? Il fait encore nuit... Mais bientôt le jour sera de retour. »

Dans ma robe noire un peu trop grand pour moi, je pleure. Tantôt la main lâche et désespérée de mère feint de tenir la mienne, tantôt la main crispée par le chagrin de mon père tient fermement mon poignet, me tirant vivement vers la voiture. Je me laisse faire, telle une poupée de chiffon, vivant petit à petit une mort qui me consume lentement mais sûrement...
Assise sur la banquette arrière, mes mains viennent se crisper sur les quelques mèches de cheveux humides qui me tombent sur les yeux, qui sont quand à eux trop brouillés par mes larmes pour constater quoi que ce soit. Quelques longs cheveux châtains me restent en main, je pleure et hurle davantage. Non pas de douleur physique, mais de remords et de tristesse. Elle aussi avait ces cheveux... Harley.
Mon père, dont le regard reste de marbre malgré sa mélancolie, me jette un coup d'œil dans le rétroviseur, tandis que j'entends sa voix, qui me semble pourtant terriblement lointaine ;

« Nous allons quitter Barrow. On ira loin, très loin. Je te le promets, Roxeanne. »