Après avoir resserré ma queue de cheval, je descendis l’allée menant à la voiture dans lequel se trouvait mes derniers cartons. Dire que toute mon ancienne vie était là, emballée dans ces quelques cartons.. Toute mon histoire en à peine quelque kilos. Quelque chose retint mon attention. Ou plutôt, quelqu’un. C’était un jeune homme d’environ mon âge. Il était à côté de la voiture et fixait notre maison, un air curieux scotché au visage. Je m’avançais jusque lui, un peu méfiante, bien que je tentais d’être la plus naturelle possible. « J’peux vous aider ? » demandais-je. « Euhm non, désolé de vous déranger. J’m’appelle Jeremy, je suis dans la chambre à côté de le tienne. J’suis venu voir si t'avais besoin d’aide. » Je souris, soulagée. J’avais tendance à être parfois un peu trop méfiante.. Je sais que je devrais pas, mais c’est normal quand on a vécu ce que j’ai vécu, non ? « Enchanté Jeremy. Moi, c’est Lennon. C‘est gentil mais ça va aller, j‘ai bientôt finis. » Il semblait .. Déçu ? Ouais, quelque chose comme ça. « Ha.. Dommage. En tout cas, si t’as besoin, hésite pas. » « Merci. » J’hésitais quelques secondes. Je devrais peut-être l’inviter à boire un café.. Histoire de bien démarrer avec le voisinage, de me faire un ami ici. Je risquais rien avec lui.. « Un café, ça t’intéresse ? J’connais personne ici.. » Je me mordis la lèvre, espérant qu’il accepte. Il finit par hocher la tête. Je pris un carton tandis qu’il en fit de même et que nous allâmes jusque l’entrée de ma chambre. Nous posâmes les cartons et je l’entrainais jusque la petite cuisine. La pièce était presque rangée, même si il restait encore un ou deux cartons par terre. Je pris la cafetière, avant de remplir deux tasses que je posais sur la table. Jeremy s’installa sur une chaise, j’en fis de même, juste en face de lui. « Alors dis moi.. Tu viens d’où comme ça ? Et tu fais quoi dans la vie ? J’te préviens, je suis très curieux. » dit-il en riant. Je lui souris, pensant à ce que j’allais dire. Surtout, il ne fallait pas que je fasse de gaffe.. « [color=indigo]Je viens de New York et j'étudie la danse et je travaille comme barmaid. [color] » Doux mensonges..

Flash Back.

« C’est elle que j’veux. La blonde. J’la veux pour la nuit. » Je m’avançais vers lui, un sourire sur les lèvres. Pourtant.. Pourtant, j’avais envie de lui dire d’aller se faire foutre, que j’en voulais pas de son fric, qu’il ne me toucherait pas. Mais je ne pouvais pas me le permettre. Igor m’en voudrait, et puis, c’était mon métier, la seule source de revenue que ma famille avait. Alors, je devais fermer ma gueule, sourire, faire comme si j’aimais tout ça. A peine fus-je prés de lui qu’il posa sa main sur mes fesses, matant mon décolleté avec envie. Je tentais de rester normale, de faire comme si cela ne me dégoutait pas alors que j’avais juste envie de me barrer, de dégueuler tellement il me répugnait. « Bon choix, Svetlana est une de mes meilleures filles. » Je posais mon regard sur Igor l’espace de quelques secondes. Je savais pas vraiment comment me comporter avec lui. Parfois, il pouvait se montrer excessivement tendre, mais en quelques secondes, il devenait violent. Il m’avait même déjà cassé le poignet.. C’était lui qui m’avait recruté. A l’époque, j’étais « que » strip teaseuse, rien de plus. Mais lui.. Lui, il avait ajouté un supplément. Seulement cette fois, pour passer une nuit inoubliable, avait-il dit. Il avait aimé. Au point qu’il m’avait proposé ce job.. Coucher pour de l’argent. Ok, j'avais tendance à facilement coucher, j'étais pas une de ces vierges effarouchées. Mais le fait que ce soit contre de l'argent me dégoutait. Au début, j’avais refusé. Mais il y avait mes parents, mon père ne pouvait plus travailler à cause de sa maladie et ma mère.. Ma mère ne ramenait pas suffisamment pour payer le loyer et les frais engendrés par la maladie de mon père. Alors, j’avais accepté, pensant que c’était temporaire. Ca faisait déjà un ans.. Et je savais que je n’arriverais pas à m’en sortir. « J’espère bien, vu le prix qu’elle me coute. » Rapidement, il m’entraina dans sa voiture et nous partîmes. Le reste de cette nuit fut.. Horrible. Comme toutes les autres.

Je secouais la tête discrètement, comme pour chasser ces souvenirs. Ça m’arrivait souvent d’y penser.. Trop souvent. Il fallait que je tourne la page désormais, que je passe à autre chose. « Pourquoi être parti de New-York ? » Qu’est-ce qu’avait dit les fédéraux déjà ? Ha oui.. « Mes parents sont morts dans un accident d’avion alors qu’ils revenaient d’un voyage en Suède où ils sont partis voir de la famille. J’ai voulu tourner la page, recommencer une nouvelle vie alors.. Me voilà. » Un air désolé vint s’afficher sur son visage. Quand à moi, j’affichais un air impassible. Et pour cause ; c’était faux. Ça ne me touchait pas vraiment. Oui, mes parents étaient morts.. Mais pas dans un simple accident d’avion. « J’suis désolé.. Ça doit pas être facile. » « Ça l’est pas, mais comme on dit, la vie continue. » Il acquiesça, un sourire compatissant aux lèvres. « En tout cas, ça doit te faire un gros changement entre New York et Cambridge ! » « Ça tu peux le dire ! Mais le changement, ça a du bon parfois. » Souvent même.

Flash back.

« J’peux pas faire ça.. Igor prend soin de moi, je peux pas le trahir. C’est grâce à lui si j’ai une source de revenue fixe tous les mois.. » J’arrivais pas à croire que c’était moi qui disait ça. Les fédéraux m’offraient une chance d’arrêter et je refusais ? C’était plus fort que moi. Mais j’avais raison, dans un sens, non ? Si il n’avait pas été la, je ne m’en serais peut-être pas sorti. Les deux agents se regardèrent d’un air entendu. L’un d’entre eux prit le dossier posé sur la table et en sortit quelques photos que je ne regardais pas tout de suite. « Il prend soin de toi ? Regarde ces photos. Il a tué tes parents Svetlana ! Ils ont su ce que tu faisais et ils ont voulu tout arranger avec Igor.. Résultat ? Une balle dans la tête. » « Mes parents sont morts dans un accident de voiture. » « Qui t’as dis ça ? Igor ? Regarde ces putains de photos ! » Je déglutis, prenant mon courage à deux mains. Je m’approchais de la table, jetant un coup d’œil aux clichés. Un cri d’effroi sorti de ma gorge. Je posais ma main devant ma bouche. Sur ces photos, mes parents étaient là, étendus sur le sol, une balle dans la tête. J’arrivais pas à y croire.. Comment était-ce possible ? J’étais pourtant sûre que.. Pourtant, la vérité était là, devant mes yeux. Des larmes coulaient le long de ma joue. « C’est lui qui a fait ça Svetlana.. Tu peux te venger. Il suffit que tu nous aides à le coincer. Tu risques rien.. Quand il sera sous les verrous, on fera appel au service de protection des témoins. Tu pourras tout recommencer.. Une nouvelle identité, une nouvelle vie, une chance de tout redémarrer à zéro. » Je l’écoutais à moitié, encore sous le choc de ce que je venais d’apprendre. Qu’est-ce que je pouvais faire ? J’avais qu’une envie ; prendre un flingue, le coller contre la tempe de cet enfoiré et appuyer sur la détente. Je tentais de reprendre mon calme, de stopper mes larmes. Je soufflais un bon coup et essuyais mes larmes d’un revers de la main. Je levais mon visage, fixant l’agent en face de moi dans les yeux. « J’veux que Svetlana soit déclarée morte. De la manière que vous voulez, j’en ai rien à foutre. J’veux qu’on me paye mes études et qu'on me fournisse un peu d'argent pour tenir au début. J’veux aller en Amérique. Si j’ai tout ça, je ferais en sorte que cet enfoiré se fasse choper. » Ils hochèrent la tête positivement.

C’est comme ça que j’arrivais ici. Ils me fournirent une nouvelle identité, un nouveau passé, une nouvelle histoire. J’avais tout appris avant d’emménager, un peu comme une leçon. « Qu’est-ce qui ne va pas ? » demanda Jeremy. Je tournais la tête vers lui et fronçais les sourcils. C’est alors que je me rendis compte que mes joues étaient humides. J’avais pleuré en y repensant.. Génial. J’essuyais mes joues. « Ho rien, laisse.. Ça m’arrive souvent lorsque je parle de mes parents. C’est tellement récent.. J’ai encore du mal. Ça te dérange si on remet cette discussion à plus tard ? J’me sens pas très bien. » « J’comprends. En tout cas, comme j’te l’ai déjà dis, si t’as besoin de quelque chose, tu sais où me trouver ! » Il me lança un dernier sourire avant de partir, aussi simplement qu’il était venu. Je me levais et soupirais. Ça n’allait pas être de tout repos..