Parait que je devrai être heureuse. Paraîtrait même que j’ai tout pour l’être. Heureuse. Tu parles, tout ce que je sais faire c’est détruire, tout détruire. Toi. Moi. Vous. Nous. Je n’aime pas le bonheur, c’est moche le bonheur et puis franchement à quoi ça sert à part à fiche des sourires béats sur les lèvres des gens ? Le bonheur n’est qu’une façade, le bonheur ne dure jamais. Arrêtez de vous voiler la face, non mais vraiment arrêtez tout ça ! La comédie a assez duré. Bienvenue dans la réalité. Bienvenue dans mon monde, là où tout est noir, là où tout est beau, il suffit d’ouvrir les yeux. Venez, suivez moi, je vais vous apprendre à voir la réalité. Bienvenue dans ma réalité.

Mes parents m’ont prénommée Cléa il y a 21 ans, je suis née à Londres, et ouais, j’aurai pu être heureuse si je l’avais voulu, mais la destruction m’a naturellement attirée dans ses filets dès mon adolescence. J’avais 16 ans quand j’ai commencé à rejoindre les enfers, quand j’ai commencé à tout foutre en l’air. Appelez moi décadence, ne prenez pas la peine de me connaître vous vous en mordriez les doigts. Je me suis forgé un monde dans lequel je suis reine, forte, puissante, intouchable. Riez, riez, jamais vous ne m’atteindrez.

Je suis une littéraire, artiste à mes heures, soit disant paumée dans sa vie. Ma vie est un jeu, détruire le plus de vies possible mon passe temps le plus précieux. L’ironie est ma plus fidèle compagne, la cruauté ma meilleure alliée. Vous pensez que je me suis forgé une carapace et bien détrompez vous, je suis moi. Garce et inutile, je distille lentement mon poison dans vos veines pour vous détruire à ma guise, rien ni personne ne me résiste. Je suis venue au monde pour vous faire souffrir. Je suis antipathique, folle à lier, bonne à enfermer. Mon plus grand rêve ? Briser les vôtres. Mes projets d’avenir ? Tous vous détruire. Préparez-vous ça va être sanglant. Dites bonjour à votre pire cauchemar, laissez tomber vos espoirs, ils n’existent plus.

Il parait que j’ai sombré, que j’ai foutu ma vie en l’air et qu’avec ça j’ai manqué la chance d’être heureuse un jour. C’est là que vous vous mettez le doigt dans l’œil, je n’ai jamais été plus heureuse que maintenant. J’aime détruire. J’aime ma vie. Vous êtes tous comme moi au fond, tenté par l’autodestruction, ne niez pas, je ne saurai dire combien de fois j’ai lu l’envie dans vos yeux, tout simplement parce que j’assume ce que je suis. Je suis moi. Vos plus grands rêves et vos pires cauchemars réunis dans un seul corps.

J’ai débarqué à Cambridge le soir de mes 16 ans, j’ai quitté père, mère, luxe. J’ai foutu en l’air cette vie qui m’insupportait, et je n’ai jamais été plus heureuse, je suis partie, sans rien, sans un mot. Mon sac sur le dos, j’avais économisé pendant des mois pour me payer ce billet d’avion. Destination choisie au hasard, déjà je plaignais les gens que j’allais rencontrer, j’étais plus que jamais prête à mettre mon plan en marche, je serai le cauchemar du siècle, vous verrez. Ici, Cambridge rime avec Harvard, un tas de gosses pétés de thunes, si faciles à avoir, vous vous pensez adultes, mais au fond vous êtes tous des gamins attirés par les rêves que je vous fait miroiter. Je suis la liberté, la luxure, je suis tout ce que vous ne serez jamais.

Paraîtrait que je suis une pute. Oui mais une pute de luxe alors. Je choisis mes clients, je les trie sur le volet, choisissant avec soin celles et ceux qui auront le privilège d’approcher mon corps l’espace de quelques heures. Je suis une pute. J’écarte les cuisses pour t’exciter mais je les referme aussitôt pour que tu mettes la main au portefeuille. Tu penses tout contrôler mais c’est moi qui endosse le rôle de maître du jeu, j’aime ça, vous faire tourner en bourrique, vous faire penser que vous pouvez m’avoir pour au final briser tous vos espoirs. Seuls quelques privilégiés le peuvent et encore, parce qu’en réalité personne ne me possèdera jamais. Jamais.

Je n’aime pas. Je n’ai jamais aimé. Les sentiments c’est trop simple. Il est bien plus éprouvant de tenter par n’importe quel moyen de ne rien ressentir. Afficher un masque d’indifférence en n’importe quelle circonstance. Pendant 16 années j’ai été une petite fille modèle, rentrant à la maison avec les meilleure notes, toujours bien habillée, j’avais appris les bonnes manières, j’étais la fille que tout le monde rêvait d’avoir. Et puis j’ai changé. Je suis partie et j’ai changé de cible. Après avoir été l’enfant modèle je voulais devenir la femme que tous désireraient. Hommes comme femmes. Je veux vous plaire. Je veux que vous me désiriez, que vous vous battiez pour m’avoir dans votre lit.

Je hais l'humanité entière. Et je me hais d'être une d'entre vous. Je hais ce monde. Ce système. La vie. Les gens. Je déteste les gens heureux. Ils me filent la gerbe. Je hais tout ce ramassis d'imbéciles qui sourient à tout bout de champs sans raison. Oui. Je hais leur innocence. Leur joie de vivre. Leur bonheur. Leur image parfaite. Je voudrais les tuer de mes mains. Les briser à jamais. Que plus jamais ils ne sourient. Qu'ils pleurent. Encore et encore.

Vous voir souffrir est mon plus grand bonheur, mais ce soir j’ai le vague à l’âme. Ce soir rien n’a plus d’importance, la vie est vaine. Je regarde la ville penchée à mon balcon, un frisson me parcourt. Ma robe est légère, mes bas sont filés. Les lumières m’attirent, elles sont si belles, si lumineuses, moi ça fait bien longtemps que j’ai perdu tout éclat. Défoncée 24h/24, plus rien n’a d’importance, j’en viendrai même à m’ennuyer parfois, mais j’aime trop vous détruire pour tout arrêter. Fichu cercle vicieux hein ? Le filtre de ma cigarette est teinté du rouge de mes lèvres, ce soir je ne suis presque pas défoncée, c’est mauvais pour moi, ma dose me manque, je vois la vie telle qu’elle est, triste, inutile, ennuyante à en vomir. Je tire une nouvelle taffe pour chasser ces idées. Mes yeux sont cernés de noir, entre fards et cernes je ne me souviens plus de la dernière fois ou j’ai dormi une nuit entière. Une larme m’échappe. Mes cheveux volent tout autour de moi, le vent se fait brusque, violent. Ce soir je suis fragile, à la portée de tous et de tout. Ce soir, ma part d’humanité reprends ses droits, mais ça ne durera pas, ça ne dure jamais. Je regarde le sol avec envie, ça serait tellement simple d’en finir. Mais pas ce soir, pas tout de suite, j’ai encore trop de choses à faire ici.

Un jour je me tuerais juste pour pouvoir dire à la vie "Et ouais, t'as perdu. Je me suis tuée toute seule comme une grande, j'ai gagné !".