Feindre.
Simuler.
Mentir.
Trahir.
Épatant. Tout l'était devenu. Autour de moi pullulait l'indécision, j'avais besoin de renouveau. Je voulais m'affranchir des attaches que je m'étais crée. Des histoires adolescentes et toutes ces choses qui me tiraient vers le bas. J'étais moi même devenu un mensonge, si bien que je me suis fourvoyé. J'étais devenu ce que je détestais. Infâme. Bête. Arrogant . Je voulais que ça change. Quand on veut , on dit souvent que l'on peut. Je le savais. Je l'ai fait. J'ai voulu mourir.Je suis mort. J'ai refais ma vie. En un temps si restreint qu'il me parait irréel. D'un certain côté, ça l'est.

J'ai brisé des cœurs, dévoré des rêves. Éclaté des bulles , mon entourage. Par pur égoïsme. Ezekiel était devenu égoïste par la force des choses. Ezrael lui, est un altruiste. J'ai changé. Je suis meilleur.

Alors que tout le monde me croyait mort fauché par un véhicule, je m'envolais vers l'équateur. Enragé. Déçu. Déçu d'avoir été considéré comme leur déception. Étrange. Fut le sentiment qui s'était emparé de moi à l'instant où j'étais monté dans cet avion. Je m'étais senti : libre. Soulagé d'un poids beaucoup trop conséquent qui pliait sur mes épaules. Je n'étais pas fait pour souffrir . Pas fait pour rester aux côtés de ceux qui m'aimaient. Pourquoi ? Parce qu'ils faisaient erreur. Je n'arrêtais pourtant pas de le leur dire : Ne m'aimez pas. Haïssez-moi, c'est bien plus facile. Croyez-moi.

Ils continuaient à s'accrocher , à voir en moi un homme bien , un homme résolument parfait. Résolument : con.
J'ai eu le courage de faire ce dont beaucoup n'ont jamais eu le cran. Certes, je l'ai fait de manière lâche. Lâche , exact, mais concise. J'avais planifié cela depuis des mois. Je n'attendais que le bon moment pour tirer ma révérence. Incroyable : j'y étais parvenu. La première chose que j'ai fait lorsque mes pieds foulèrent pour la première fois le campement où j'avais débarqué , fut de me présenter sous mon tout nouveau nom : Ezrael Romano Tate. Une pointe de nostalgie fit face dans le ton de ma voix , je n'y croyais pas, à l'instant. Ce fut avec conviction que je me mis à l'utiliser , plus tard , lors de nos raids nourriture. J'avais trouvé une voie de secours, une voie : tout court.

J'étais devenu Humanitaire. Un espèce de militant anti-famine . Je me sentais à nouveau respirer. Un air frais, un air vrai. Comme il ne m'était plus arrivé depuis longtemps.

Ezekiel Milan Serenata n'existait plus. Il s'en était allé avec le reste de sa vie. Resté à Cambridge , morcelé en Italie. Quelques bouts perdu à Londres, aussi. Les plus belles parties de ma vie : envolées.
Il fallait tout refaire, j'étais prêt. Comme on dit souvent : au taquet.


Et puis , et puis contre toute attente, je l'ai rencontré. Elle , ses longs cheveux bruns et son terrible accent Milanais.
Elle faisait parti de la section Forza de l'association. J'étais attristé. Dégouté. Lessivé. Elle est venue, son rire cristallin résonnant constamment dans mon entourage, comme si c'était une façon subtile de me faire comprendre qu'il n'y avait pas de place pour la peine dans les parages. Elle me rappelait quelqu'un. Sa douceur, sa compassion. En faite, elle me rappelait à quel point j'avais été amoureux.

Lorsque l'on vit dans un endroit hostile : tout est intensifié. Les émotions, les envies. Les paroles. Les actes. Tout s'est déroulé à une vitesse imperceptible.

Moi, elle ...nous.
Moi, elle...lui

Précipitamment nous avions unis nos destinées.
Précipitamment. Parce que je ne l'aimais pas particulièrement. Parce que mon cœur était pris , envahi ....lacéré. Plusieurs prénoms y étaient tatoués à l'encre indélébile. Mais, je l'appréciais. C'était déjà un bon début ?

Moi qui avais peur de l'engagement , j'étais quelque peu servi. Marié. Pris. Fidèle. J'avais toujours été un homme fidèle. Pour ce point, je n'avais observé aucun chambardement. Ce trait de ma personnalité était resté. Caché derrière un contrefort bétonné.

Plus de famille.
Plus d'amis.
Une épouse accrochée sous le bras , je vivais. Jusqu'à ce que j'apprenne qu'il était arrivé quelque chose à ma mère. La dame de valeur qui m'avait enfanté. La femme généreuse qui m'avait élevé dans le respect stricte de la religion. La seule personne au monde pour lequel mon amour était inconditionnel. Maman si tu savais combien j'étais désolé de t'avoir laissé pleurer ma mort

Cette fois-ci , c'était à mon tour de devoir pleurer la sienne. Je me suis senti idiot. Salop. Pour ne pas changer. J'avais toujours eu un don pour me fourrer dans des situations absolument complexes. Décadentes et hors d'atteinte. Au delà de mon propre entendement. Une fois de plus, j'avais merdé . J'ai compris que ce n'était pas en changeant de forme que le fond allait changer. Au fond , je restais Ezekiel Milan Serenata. Même si Ezrael avait voulu s'accaparer le personnage, l'ancien était resté. J'étais hanté par mes mensonges, ma moitié n'était même pas au courant. Personne ne l'était.

Un bon matin, au lendemain de son enterrement, je suis allé voir ma maman. Des fleurs diffusaient leur exquises effluves dans l'air , portées par la brise qui caressait ma peau. Je me suis dit , encore une fois :c'est pas la peine de vouloir fuir Ez' , t'es bien ridicule à faire cela. Reprends-toi vite et deviens enfin ce dont tu as toujours rêvé.

Reprends-toi Ez' et arrêtes de tout briser.